Non à la francisation à rabais!
Le gouvernement Legault fait de la langue française une priorité. Il a adopté le projet de loi 96, Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français. Cette loi prévoit notamment que les organismes publics doivent entretenir, « à la fin d’une période de six mois, des communications exclusivement en français avec les personnes immigrantes » (article 22.4). La même loi institue Francisation Québec, nouvel organisme qui « conduit et gère l’action gouvernementale en matière de francisation des personnes domiciliées au Québec » (article 156.24). Cet effort de protection du français est nécessaire, dit le premier ministre, proclamant qu’il en va « de la survie de la nation ».
Avec autant de fermeté dans la Loi, autant d’emphase dans le discours, on s’attendrait évidemment à ce que le gouvernement fasse des experts en francisation des immigrants des partenaires de premier ordre. Pourtant non! Dans une incohérence absolue, le gouvernement cherche plutôt à appauvrir les professeurs en francisation.
Il y a 560 professeurs de francisation à l’emploi du ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI). On les retrouve dans plusieurs régions, dans différents organismes institutionnels ou communautaires reconnus comme mandataires du gouvernement dans l’accueil et la francisation des immigrants. Moins de 15 % de ces professeurs ont une permanence. Les autres subissent souvent depuis de longues années la précarité d’emploi, et attendent avec anxiété les offres de contrat à chaque onze semaines.
Le contrat de travail des professeurs en francisation de l’État est échu depuis 2019. La négociation visant à le renouveler a permis des avancées dans certains aspects du travail. Nous le reconnaissons. Mais sur le plan salarial, nous sommes devant un mur. La dernière proposition salariale du gouvernement ferait des professeurs en francisation les enseignants de l’État les moins payés. Le manque à gagner serait très important, environ 3 000 $ au terme de la convention pour les professeurs ayant le plus d’années de services, par rapport aux professeurs du réseau collégial qui ont toujours été notre référence. Cela, alors que la charge augmente, que le recrutement risque de faire défaut et qu’ils sont, comme nous tous, face à une inflation galopante.
Les professeurs en francisation sont passionnés par leur travail qui va bien au-delà du strict enseignement de notre langue commune. Ces professeurs sont bien souvent le premier contact des nouveaux arrivants avec le Québec; ils et elles sont des guides dans la découverte de notre société, dans la compréhension de ses coutumes de ses valeurs. Ce sont des agents d’intégration qui donnent aux nouveaux arrivants les mots et aussi les codes pour devenir des Québécois d’adoption et s’inscrire à leur manière dans la marche de notre société.
Comment un même gouvernement peut-il accorder en public une telle importance au français et déconsidérer de la sorte en coulisses celles et ceux qui ont pour tâche de l’enseigner aux immigrants? Les professeurs en francisation sont un groupe particulier au sein de l’État. Intégrés à la fonction publique, ils sont sur la liste de paie du MIFI, dispensent un service prescrit par le ministre responsable de la Charte de la langue française, et le contenu de leurs cours n’est aucunement déterminé par le ministère de l’Éducation. Mais les dédales de l’État ne sont pas une excuse permettant d’ignorer leur spécificité et leur expertise. Si le gouvernement est sérieux dans sa priorité à la langue française, qu’il passe le mot à la machine et s’assure que soient reconnus à leur juste valeur celles et ceux qui sèment le français, et un peu du Québec, dans le cœur des nouveaux arrivants.
Jean Vallières, Président du syndicat des professeurs de l’État du Québec