La cimenterie McInnis a caché des informations au ministère de l'Environnement
Ciment McInnis a donné des renseignements inexacts sur les poussières collantes
La cimenterie McInnis a caché au ministère de l’Environnement des informations sur ses émissions de poussières collantes à l’été 2020, a découvert notre Bureau d’enquête.
• À lire aussi: Québec accorde un nouveau délai à la cimenterie McInnis
• À lire aussi: Lien de confiance ébranlé pour la Cimenterie McInnis
En juin et juillet 2020, lors des premiers épisodes de poussières de ciment, l’entreprise de Port-Daniel–Gascons a affirmé au ministère que les émanations n’étaient pas sorties du site.
Elle a aussi assuré à une occasion qu’elle n’avait pas reçu de plaintes de citoyens et qu’elle n’avait pas constaté de poussière «aux alentours», démontrent des documents obtenus par le groupe Environnement Vert Plus et Le Journal grâce à la loi sur l’accès à l’information.
Or au même moment, elle faisait nettoyer en douce les voitures et maisons empoussiérées. Cette situation s’est poursuivie à l’insu du gouvernement pendant deux mois, jusqu’à ce que Le Journal pose des questions, le 29 juillet 2020.
Les poussières collantes recouvrent les voitures, les fenêtres et le mobilier extérieur, et s’enlèvent difficilement. Elles ont tué des poules et ruiné des jardins.
À l’époque, l’entreprise soutenait qu’elle avait informé le ministère de chaque épisode de poussière. Le ministère affirmait qu’il n’avait jamais été averti que les voisins de la cimenterie avaient été touchés.
Nos documents démontrent que Ciment McInnis, qui a depuis été vendu à Ciment St-Marys (Votorantim Cimentos), a bel et bien signalé une dizaine d’événements en juin et juillet 2020, mais sans jamais mentionner les voisins.
-Écoutez Félix Séguin au micro de Yasmine Abdelfadel sur QUB radio :
«Beaucoup de plaintes»
Un citoyen avait pourtant déjà fait une plainte à la cimenterie le 30 juin, et le conseiller en environnement de l’entreprise s’était même rendu sur les lieux le lendemain pour constater les dégâts. Des dispositions ont été prises pour qu’une entreprise vienne nettoyer.
Ce n’est qu’après les appels du Journal au ministère qu’un inspecteur est allé sur place le 4 août. Ciment McInnis a alors admis avoir reçu «beaucoup de plaintes de citoyens» depuis le 5 juin et avoir organisé le lavage de voitures et de résidences.
Enquêtes en cours
L’inspecteur a alors recommandé le déclenchement d’enquêtes, qui ne sont pas terminées à ce jour. Les problèmes de poussières persistent et le ministère menace d’utiliser une ordonnance pour forcer la cimenterie à respecter la loi.
Ciment St-Marys n’exploitait pas l’usine à l’été 2020, mais rappelle que lors d’incidents, la «priorité est donnée au respect des délais» de signalement. Il est possible que certains faits ne soient pas encore connus à ce moment.
«Depuis la période juin/juillet 2020, des améliorations significatives ont été apportées dans le processus de signalement au [ministère]», précise le porte-parole Christopher Mason. Si un événement de poussière survient, des inspections à l’intérieur et à l’extérieur du site sont réalisées, et le ministère est informé aussitôt si la poussière est sortie du site.
Des déclarations inexactes
16 JUIN 2020
Un signalement est fait par le conseiller en environnement de la cimenterie pour un épisode de poussière de clinker (un des composants du ciment) qui a duré 10 minutes. «La poussière est restée sur le site de l’usine», est-il écrit.
29 JUIN 2020
L’arrêt d’un dépoussiéreur cause un « gros nuage de poussière dans les airs ». Plus tard, le conseiller en environnement de l’usine affirme que le nuage n’était pas aussi gros que ce qui a été décrit au départ.
3 JUILLET 2020
L’entreprise signale vers 12 h 30 un bris entraînant une dispersion de poussière, survenue à 5 heures du matin. En raison de ce délai avant que le ministère en soit informé, la cimenterie reçoit un avis de non-conformité le 14 juillet. Dans son rapport de vérification, l’intervenant de garde du ministère note qu’il a suggéré au conseiller en environnement de la cimenterie d’aller voir «aux alentour de l’usine si la poussière est visible au sol et sur les voitures». Le conseiller le rappelle pour lui dire que rien n’est visible et qu’il n’a reçu aucune plainte de citoyens. Un suivi par téléphone est également fait le 6 juillet.
10, 21, 23, 24 JUILLET 2020
Différents signalements sont réalisés par l’entreprise : il est question de poussière qui «part dans l’air», de «poussières émises dans l’atmosphère» et «retombées dans la carrière», de «poussières non récupérables», mais avec un vent qui soufflait vers l’est «en direction de la carrière». À une autre occasion, la dispersion de poussières lors d’un chargement de camion aurait été stoppée par des murs anti-vent.
Pendant tout ce temps, des résidents se plaignent de poussière sur leur terrain.
Peu de risques, selon la Santé publique
La Santé publique régionale et le ministère de l’Environnement ont tenu une assemblée publique le 2 août dernier afin de rassurer la population quant aux impacts de ces poussières sur la santé. Selon eux, ces poussières présentent peu de risque, mais ils ont reconnu que cela demeurait une nuisance entraînant du stress.
Une cinquantaine de personnes étaient sur place. Pascal Bergeron, porte-parole d’Environnement Vert Plus et qui a participé à la rencontre, affirme que plusieurs personnes se sont dites inquiètes.
«Des gens étaient incrédules. Ils ont beaucoup de mal à croire qu’il n’y a aucun impact sur leur santé pulmonaire», a-t-il expliqué au Journal.