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Obsolète: le poids des choses

Obsolète
Photo courtoisie

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Quel est donc notre rapport aux objets qui nous entourent? C’est une question bien terre à terre et pourtant fondamentale qu’aborde Alexandra Gilbert.

Marie vient de perdre son père, Jean-Claude. Fille unique, elle hérite de sa maison de Saint-Georges-de-Beauce, dont la revente fera financièrement son affaire.

Mais son père a mis une condition pour qu’elle puisse toucher cet héritage : elle doit disposer avec sensibilité du contenu de la demeure, sous l’œil avisé d’un vieil ami de la famille, ex-antiquaire. 

Jean-Claude était en effet un collectionneur d’antiquités québécoises, amoureux de ces objets uniques, faits de mains humaines, et que des générations ont su se transmettre.

Elle qui a profondément détesté ce passé qui encombrait la résidence familiale, voilà qu’elle doit le prendre en charge ! Elle n’en avait pourtant presque rien traîné quand, jeune adulte, elle s’est installée à Montréal. En plus, elle est en couple avec un homme qui ne jure que par le neuf et la technologie.

Avant même d’avoir commencé le tri, le poids des vieux objets étouffe Marie, ce dont témoigne Obsolète, le titre du roman.

Et quelle condition lui impose son père! Comme lorsqu’elle était enfant, de surcroît orpheline de mère, le bric-à-brac est plus important pour lui que son bien-être à elle. Marie en est blessée.

Pourquoi alors ne pas tout simplement faire place nette, comme le lui conseille son conjoint? Parce qu’elle va se rendre compte que les antiquités n’ont plus la cote, parce que les souvenirs remontent, parce que Philippe, son amoureux, se laisse avaler par le moindre gadget.

Aussi parce qu’elle croise un copain du secondaire qui, lui, a décidé de vivre avec le minimum, dans la veine survivaliste. Tout cela la bouleverse.

Prise de conscience

Garder, jeter, se débarrasser, transmettre : Alexandra Gilbert démontre ici qu’on peut y penser autrement que dans un souci de faire de la place, tel que le prône une Marie Kondo. Par l’entremise de Marie, l’auteure s’arrête plutôt à ce qui nous rattache, ou pas, aux biens et à l’histoire que ceux-ci portent.

D’ailleurs, le passé a aussi des lourdeurs. Pour la mère de Jean-Claude, les vieilles tables au bois inégal, le crayon de plomb qui troue les pages sont synonymes de pauvreté. Tout doit-il vraiment être sauvé de l’oubli ? 

Mais peut-on disposer sans état d’âme d’objets qui en ont? L’époque en tout cas, et c’est un constat troublant, incite à le faire.

Ce récit touchera de près quiconque a déjà eu à faire le tri des possessions d’un proche décédé ou qui doit «casser maison», expérience d’ailleurs vécue par l’auteure. Mais toute personne prête à réfléchir à sa consommation y trouvera profit. 

Quels sont les objets qui étouffent ou, au contraire, ceux dont on se sent responsable? Et que devient l’héritage matériel du Québec ; importe-t-il encore?

Comme elle l’avait fait dans Gourganes, son premier roman qui détricotait les clichés autour du travail humanitaire, Alexandra Gilbert nous amène avec subtilité et intelligence à une importante prise de conscience. 

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