Un risque majeur pour le Québec dans le Canada
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Il semble confortable le «ailleurs» de la Coalition Avenir Québec. Libéré du joug de la souveraineté et du fédéralisme. Être québécois sans avoir à aimer le Canada.
Mais le débat sur l’immigration vient d’exposer les risques majeurs qu’il comporte.
Tendance lourde
La baisse du poids démographique du Québec au sein du Canada est le fruit d’une tendance lourde qui remonte à 1966. C’est ainsi que de 28,9 % de la population canadienne, le Québec pèse aujourd’hui pour 23 %.
L’enjeu cependant c’est que face à un gouvernement fédéral qui ouvre grand les portes à une immigration de masse dans le rêve de faire passer la population canadienne à 100 millions d’ici 2100, le Québec ne fera que perdre davantage de terrain.
Même si le gouvernement Legault cédait à la pression du Conseil du patronat et haussait les seuils à 80 000, puis 100 000 immigrants par an, il ne freinerait pas ce recul. En 2061, le Québec ne représenterait plus que 19,2 % de la population canadienne selon les estimations de l’économiste Pierre Fortin.
Or, en maintenant le plafond à 50 000, tel qu’il l’entend, François Legault place le Québec sur la voie de la marginalisation. Car à 16,4 % de la population canadienne en 2061, il deviendra pas mal plus difficile de défendre la nation québécoise.
Précaire
Il est là le dilemme existentiel pour le Québec : entretenir un taux d’immigration susceptible d’assurer la survie du français, sans pour autant affaiblir désastreusement son rapport de force politique.
Questionné sur le sujet, François Legault s’est voulu rassurant, affirmant que le Canada avait le devoir de respecter la spécificité de la nation québécoise, ajoutant que jusqu’ici, tous les gouvernements (celui de Stephen Harper et Justin Trudeau) se sont engagés à protéger le poids du Québec aux Communes.
Certes, mais pendant combien de temps?
Sera-t-il vraiment possible d’assurer au Québec 23 % des députés au pays quand sa population ne représentera que 16 % de l’ensemble canadien ? Rien n’est moins sûr.
Quant au rêve de voir ce statut particulier enchâssé dans la Constitution, on repassera.
Fossé
C’est là que «l’ailleurs» de la CAQ atteint ses limites.
Le pouvoir du Québec d’obtenir des pouvoirs ou ententes particulières a bien davantage reposé sur le risque de sécessions que sur un respect profond envers son peuple fondateur.
Sans la menace souverainiste, quel pouvoir a le Québec dans le Canada d’aujourd’hui?
Le seul pouvoir du premier ministre du Québec est celui d’être un acteur engagé, constructif, essentiel dans l’architecture canadienne. C’est le pouvoir d’être un allié utile des autres provinces, un partenaire économique essentiel.
Or jusqu’ici, François Legault s’est montré peu intéressé par le projet canadien. Il revendique, sans plus.
Le problème c’est qu’en cultivant son ailleurs, il contribue à creuser le fossé face à un Canada qui s’intéresse de moins en moins au Québec, le mécomprend et le juge de plus en plus. Un Canada où l’appétit pour les accommodements asymétriques se dissipera encore plus rapidement au rythme de la baisse de notre poids démographique.