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Mort de Jean-Luc Godard, le dynamiteur du cinéma



Agitateur de la nouvelle vague, il a dynamité les codes du cinéma avec des films résolument novateurs comme À bout de souffle et Sauve qui peut (la vie): le cinéaste franco-suisse Jean-Luc Godard est mort mardi à l’âge de 91 ans, emportant avec lui un pan de l’histoire du septième art. 

«Ce fut comme une apparition dans le cinéma français. Puis il en devint un maître [...]. Nous perdons un trésor national, un regard de génie», a réagi le président, Emmanuel Macron, parmi la pluie d’hommages rendus à ce monument du cinéma.

Perpétuel révolté, «JLG», comme on le surnommait, vivait depuis des années en Suisse, à Rolle, au bord du lac Léman, fuyant le monde du septième art.

  •  Écoutez le segment culturel d’Anaïs Guertin-Lacroix diffusé chaque jour en direct à 6 h 35 sur QUB radio: 

«Jean-Luc Godard est décédé paisiblement à son domicile, entouré de ses proches. Il sera incinéré», a annoncé son épouse, la réalisatrice Anne-Marie Miéville, dans un communiqué. «Aucune cérémonie officielle n’aura lieu», a-t-elle précisé, pour celui qui fuyait les honneurs.

Le cinéaste a eu recours à l’assistance au suicide, a plus tard dit à l’AFP le conseiller de sa famille, confirmant une information du journal Libération.

Il a eu recours à cette assistance, légale en Suisse, «suite à de multiples pathologies invalidantes, selon les termes du rapport médical», a expliqué Patrick Jeanneret.

Créateur d’étoiles

Jean-Luc Godard restera comme l’un des réalisateurs les plus influents des deux côtés de l’Atlantique. Pour ses inconditionnels, c'était un génial provocateur qui a révolutionné le cinéma, et pour ses détracteurs, un intello torturé aux films incompréhensibles.

Avec sa mort, un chapitre de l’histoire du cinéma se clôt, aux plans inoubliables: Bardot nue sur un lit, susurrant: «Tu les aimes, mes fesses?» (Le Mépris), Belmondo, le visage barbouillé de bleu, bardé de dynamites (Pierrot le Fou), Jean Seberg et son New York Herald Tribune vendu à la criée sur les Champs-Élysées (À Bout de souffle)...

«Et Godard créa le Mépris et c’est à bout de souffle qu’il a rejoint le firmament des derniers grands créateurs d’étoiles...», a réagi Brigitte Bardot sur Twitter.

C’est par ce dernier film que Godard, critique aux Cahiers du cinéma et né à Paris le 3 décembre 1930, s’est fait connaître. Le premier long-métrage de celui qui sera plus tard étudié dans les écoles de cinéma lance aussi la carrière de Jean-Paul Belmondo.

Godard, qui entend tourner le dos au vieux cinéma français d’après-guerre qu’il déteste, restera comme le chef de file des réalisateurs de la nouvelle vague avec François Truffaut.

«Godard est le plus grand cinéaste du monde», n’hésitait pas à dire ce dernier. Il «n’est pas le seul à filmer comme il respire, mais c’est lui qui respire le mieux».

Pour beaucoup de cinéastes, par sa liberté, son affranchissement des formes, Godard aura une influence majeure, l’Américain Quentin Tarantino allant jusqu’à baptiser sa maison de production Bande à Part, le titre d’un film de Godard sorti en 1964.

Mais jusqu’à sa mort, JLG, dont les films et déclarations se feront de plus en plus indéchiffrables avec les années, n’a jamais cherché à faire l’unanimité. Et certains jugent son œuvre plus hermétique et pédante que profonde, plus ennuyeuse qu’énigmatique.

Car l’artiste au regard caché par des lunettes noires, cigare aux lèvres, ne tournait pas comme les autres, ne montait pas comme les autres et entretenait un rapport particulier avec les acteurs et les actrices qu’il ne ménage pas.

  • Écoutez l'édito de Steve E. Fortin diffusé chaque jour en direct 14 h 48 via QUB radio :

Engagement propalestinien

Provocateur né, Godard était aussi une figure importante mais inclassable pour la gauche. «L’Helvète anarchiste», selon les termes des organisateurs du Festival de Cannes, qu’il contribue à faire annuler en mai 1968, était à la même époque «le plus con des Suisses prochinois» pour les situationnistes.

Il se lance à cette période dans un cinéma militant avec des films-tracts de trois minutes, reniant sa production passée. Voulant «faire politiquement du cinéma politique», il abandonne la notion d’auteur.

Par la suite, le réalisateur à l’engagement en faveur de la cause palestinienne, parfois accusé d’antisémitisme, réalisera avec sa dernière compagne Anne-Marie Miéville Ici et Ailleurs, un film dans lequel il compare les Juifs aux nazis, qui fait scandale.

Il fâchera aussi le pape Jean-Paul II avec Je vous salue, Marie et sa Vierge nue à l’écran.

En 2018, le Festival de Cannes lui accordait une Palme d’or «spéciale» pour Le Livre d’image, un prix qu’il n’était bien entendu par allé chercher, pas plus que son Prix du jury en 2014 pour Adieu au langage.

Célèbre pour ses aphorismes et ses bons mots, l’homme-cinéma avait de son vivant suggéré son épitaphe: «Jean-Luc Godard, au contraire.»







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