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Débat des chefs: le bilan laïque

Débat des chefs: le bilan laïque
The Canadian Press


Lundi dernier se tenaient à Québec les audiences publiques du Comité sénatorial des droits de la personne sur l’islamophobie au Canada. Encore une fois, des amalgames malheureux entre la loi 21 et la tuerie de la mosquée de Québec de 2017 ressortent des discussions, avec pour conséquence d’assimiler la Loi sur la laïcité de l’État à une loi contre l’islam et les musulmans. Cela n’est qu’un exemple de l’offensive canadienne contre la loi du Québec, menée avec la complicité du gouvernement canadien et de nombreuses municipalités finançant sa contestation devant les tribunaux.  

Dans ce climat de poursuites judiciaires et de charges constantes contre la loi 21, il est étonnant que le thème de la laïcité prenne si peu de place dans la campagne électorale actuelle. Totalement absent du premier débat, il a heureusement fait l’objet d’un tour de table de quatre minutes lors du second débat des chefs de jeudi. 

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C’est Dominique Anglade qui entame les offensives en martelant, avant même le début de cette séquence du débat, que le PLQ est le seul parti s’étant prononcé contre la loi 96 et la loi 21. Elle fait ainsi de son opposition au modèle de laïcité de l’État un argument visant à rallier l’électorat anglophone, au même titre que son opposition à la loi sur la protection du français au Québec. Ainsi, alors que la majorité des Québécois et des Québécoises – de toutes origines – soutenant la loi 21 sont attaqués et dénigrés par le reste du Canada, la cheffe du PLQ choisit d’exacerber cette hostilité afin de récolter des voix. Belle façon de diviser! 

PLQ et QS

Sans surprise, le PLQ et QS sont les deux partis qui, s’ils étaient élus, aboliraient, en totalité ou en partie, la loi 21. Alors que Dominique Anglade considère que l’État est déjà laïque et qu’aucune loi n’est nécessaire, un gouvernement solidaire abolirait l’interdiction de signes religieux aux agents de l’État, notamment aux enseignants. Autrement dit, QS est en faveur d’une laïcité de façade, désignée par plusieurs de « laïcité ouverte », une loi sans bras ni jambes qui proclame des principes mais demeure amputée de toute mesure permettant de les appliquer. Aucune balise ne permettrait, en particulier, de faire respecter la neutralité religieuse des enseignants afin de favoriser l’émancipation des jeunes face à des pressions religieuses indues. 

Des arguments en faveur de la loi 21

Les trois autres partis se prononcent, quant à eux, en faveur de la loi 21. Le chef du PCQ Éric Duhaime reconnait l’importance de respecter les libertés religieuses, mais note que la liberté individuelle s’arrête là où commence la liberté des autres, et fait valoir les droits des citoyens à recevoir des services de l’État neutres. François Legault présente, quant à lui, la laïcité de l’État comme une exigence de respect des citoyens, des élèves et de leurs parents, et insiste sur l’aspect modéré de la loi élaborée par son gouvernement dans un soucis d’équilibre entre droits individuels et droits collectifs. 

Quant à Paul St-Pierre Plamondon, il constate l’offensive fédérale contre la loi 21 et considère que tant que le Québec ne sera pas un État souverain, ses choix en matière de laïcité ou de politique linguistique seront attaqués, et probablement invalidés devant les tribunaux. 

Le Parti Québécois étant le seul de ces partis à avoir répondu aux questions du Rassemblement pour la laïcité (RPL) sur leurs engagements en matière de laïcité, nous sommes en mesure de donner plus de détails sur leur programme. Ainsi pour le PQ, « l’essentiel pour les prochaines années sera de défendre le droit du Québec à développer son propre modèle de laïcité. Un gouvernement du PQ ne reculera devant aucun effort pour protéger ce droit du Québec devant les tribunaux, aussi longtemps que cela sera nécessaire. » 

Éducation laïque

Par ailleurs, le PQ s’engage à mener une grande réflexion collective sur l'éducation, d’évaluer « la possibilité d'intégrer les écoles privées au réseau d'éducation public, pour ainsi les assujettir aux obligations de la Loi sur la laïcité de l’État », et d’inclure la présentation de la laïcité dans le nouveau cours de Citoyenneté et culture québécoise (CCQ) dont il entend soutenir la mise en œuvre pour la rentrée scolaire 2023. 

Rappelons que ce cours fait actuellement l’objet d’un projet pilote pour remplacer le cours d’Éthique et culture religieuse fortement critiqué, notamment pour la place prépondérante qu’il accorde aux croyances et pratiques religieuses, sans les soumettre au jugement critique. À l’annonce du nouveau cours en octobre 2021, le ministre Jean-François Roberge avait indiqué qu’il serait orienté vers l’exercice de la citoyenneté québécoise, du développement de la pensée critique, et que l’apprentissage de la laïcité en ferait partie. Malheureusement, force est de constater qu’aucun contenu n’est prévu dans le programme provisoire sur la laïcité. 

Pour le RPL, il est essentiel de faire la pédagogie de la laïcité et d’en promouvoir les principes comme source d’harmonie dans une société pluraliste et multiconfessionnelle, notamment en l’intégrant dans la formation des maîtres. Tant que la laïcité de l’État ne sera pas assumée, tant que ses effets se limiteront à l’exigence minimale de neutralité d’apparence des enseignants, sans en expliquer les raisons, les adversaires de ce modèle de laïcité auront beau jeu de l’attaquer et de le dénigrer auprès de nos jeunes. 

Nadia El-Mabrouk, présidente, Rassemblement pour la laïcité







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