Japania: un festival accusé d'appropriation culturelle par des Japonais
Coup d'oeil sur cet article
Des entrepreneurs d'origine japonaise ont boycotté ce week-end un festival dans le Vieux-Montréal qui aurait dénigré leur culture, en plus d’avoir fait de l’appropriation culturelle en organisant cet événement sans les membres de leur communauté.
«Sachez que ce nouveau festival est organisé par des non-Japonais qui n’ont jamais visité le Japon. En plus de n’avoir aucun organisateur ou consultant d’origine japonaise, ils ont ignoré des discussions avec certains membres de notre communauté et ont montré peu de respect envers d’autres», dénonce Marilou Yoshimura-Gagnon, propriétaire de Kyoto Fleurs à Montréal.
Elle fait partie d’un regroupement de commerçants d'origine japonaise du Grand Montréal qui ont catégoriquement refusé de participer au «Festival Japania» en dénonçant l’appropriation culturelle dont ils sont victimes. L’événement, qui a pour logo le mont Fuji, est censé réunir «les amoureux du Japon et de la culture asiatique».
«Nous trouvons très regrettable que des personnes qui n'ont pas une bonne compréhension de la culture japonaise, et qui n'établissent pas de relations avec la communauté japonaise, utilisent le contenu japonais de manière superficielle pour leur propre bénéfice», dénonce Norio Tomita, ostéopathe et chercheur japonais installé à Montréal.
Des hot-dog et des pâtisseries françaises
Le représentant du Journal s’est d’ailleurs rendu au Marché Bonsecours pour participer au festival qui s'est terminé dimanche. Les trois organisateurs ont confirmé qu’aucun Japonais ou spécialiste de cette culture ne faisait partie de l’organisation de l’événement.
Seulement deux kiosques sur la vingtaine d’exposants appartenaient à des personnes d’origine japonaise, selon nos observations. Plusieurs produits vendus n’avaient pas nécessairement de lien avec l’Asie ou le Japon, dont un comptoir à hot-dog et un autre offrant des pâtisseries françaises.
M. Tomita ajoute que le but de sa communauté n’est pas d’empêcher les «non-Japonais» de faire du profit avec sa culture.
«En fait, nous, Japonais, sommes prêts et disposés à contribuer à la promotion de la culture japonaise. Mais cela doit être basé sur une bonne interaction humaine et une bonne communication», précise-t-il.
Même le célèbre festival Yatai MTL, qui a pour but de mettre de l’avant le Japon et sa cuisine de rue, a aussi dénoncé sur les réseaux sociaux l’événement qui avait lieu ce week-end.
«Nous encourageons les événements sur le Japon, mais ils doivent montrer une base de respect et de compréhension du Japon. Ce qui n'est malheureusement pas le cas pour le festival Japania», pouvait-on lire sur leur page Facebook.
Question évitée
Stéphanie Chau, une des trois organisatrices de l’événement, affirme ne faire aucun profit sur le dos de la culture japonaise.
«On est un organisme à but non lucratif et on est ouvert à tout le monde et toutes les cultures asiatiques. On n'est pas ici pour faire de l’argent», mentionne-t-elle. Notons qu’il faut toutefois payer 17,50$ par adulte pour entrer à la première édition du Festival Japania, organisée par l’entreprise «Projet 970».
Mais ont-ils fait de l’appropriation culturelle en créant ce festival autour de la culture nippone sans l’aide de spécialistes ou de Japonais?
«Il n’y aura pas de débat sur ça. On est là pour rassembler tout le monde et partager. Il n’y a pas de débat», a répondu Aniss Birouk, un des co-organisateurs qui a refusé de répondre à notre question.
Selon nos informations, plusieurs entrepreneurs japonais ont rencontré les organisateurs du Festival Japania avant qu’il ait lieu. Ces réunions se seraient mal déroulées puisque les jeunes à la tête de l'événement «n'avaient aucune connaissance du Japon et du respect de leurs traditions».
Questionnés à ce sujet, les propriétaires de «Projet 970» ont refusé de commenter leurs rencontres houleuses avec la communauté japonaise.
«Notre porte reste ouverte», assure M. Birouk, qui espère pouvoir créer une deuxième édition de son festival en 2023.
Qu’est-ce que l’appropriation culturelle?
Utilisation, par une personne ou un groupe de personnes, d'éléments culturels appartenant à une autre culture, généralement minoritaire, d'une manière qui est jugée offensante, abusive ou inappropriée.
Source : OQLF