Profilage racial: fini les interceptions sans motif, ordonne un juge
Les policiers ne pourront plus intercepter sans motif des automobilistes, a ordonné la Cour supérieure dans un jugement majeur dénonçant le profilage racial envers la communauté noire.
«On ne peut pas comme société attendre qu’une partie de la population continue de souffrir en silence [...]. Le profilage racial existe bel et bien. C’est une réalité qui pèse de tout son poids sur les collectivités noires», a commenté le juge Michel Yergeau en sonnant le glas des contrôles routiers «aléatoires».
Le magistrat devait trancher une demande intentée par Joseph-Christopher Luamba, un étudiant d’origine haïtienne dans la jeune vingtaine. À trois reprises en à peine plus d’un an, il s’était fait intercepter sans motif. Chaque fois, il a été libéré sans constat d’infraction, après s’être identifié.
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Préjugés
Lors du procès, plusieurs autres personnes de la communauté noire ont témoigné avoir fait l’objet d’un tel traitement.
«Pour banales qu’elles puissent paraître, ces interceptions routières se révèlent intolérables aux intéressés puisqu’elles reposent sur des apparences et des préjugés plus ou moins conscients associés à la couleur de leur peau plutôt que sur un objectif de sécurité routière», a dit le juge.
Rappelant que «le profilage racial s’exerce de façon insidieuse, sans que le policier soit pour autant mû par des valeurs racistes», le magistrat a donc décidé de mettre fin à ces interceptions sans motif, même si la Cour suprême les avait autorisées en 1990.
Justice modernisée
«C’est une réforme qui ne s’est pas vue depuis longtemps», a commenté Me Arij Riahi, qui a fait partie d’une équipe de recherche ayant produit une expertise dans le dossier.
C’est qu’à l’époque, des juges dissidents avaient prévenu que des faits sociaux nouveaux pouvaient faire changer la donne.
Et c’est exactement ce qui est arrivé en 2019, quand le plus haut tribunal du pays a appelé à mieux comprendre la question du profilage racial.
«La décision du juge Yergeau est en quelque sorte une mise à jour [du droit]», a estimé Me Riahi.
Lors du procès, le ministère public avait assuré que les policiers étaient maintenant formés « pour ne pas tenir compte des considérations raciales ou sociales » lors des interceptions aléatoires, mais l’argument n’a pas tenu.
Le juge a donné six mois aux autorités pour mettre fin à cette pratique qui viole la Charte canadienne des droits et libertés.
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