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Lutte contre le profilage: les chefs de police craignent la fin des contrôles routiers aléatoires

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Les chefs de police craignent que l’interdiction des interceptions aléatoires ordonnée par un juge n’alourdisse le bilan routier.

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« Le premier objectif des interceptions au hasard, c’est pour vérifier les facultés affaiblies par l’alcool et la drogue, a insisté le président de l’Association des directeurs de police du Québec, Pierre Brochet. Alors on est préoccupé de l’impact sur les accidents, les décès, les blessés graves sur nos routes, du fait d’enlever ce pouvoir à nos policiers. »

M. Brochet, qui est chef de police de Laval, a réagi à la décision majeure en matière de profilage racial envers la communauté noire, rendue mardi par le juge Michel Yergeau.

Le magistrat devait trancher une demande intentée par un jeune étudiant d’origine haïtienne qui en à peine plus d’un an, s’était fait intercepter sans motif à trois reprises. Chaque fois, il a été libéré sans constat d’infraction.

«Pour banales qu’elles puissent paraître, ces interceptions routières se révèlent intolérables aux intéressés puisqu’elles reposent sur des apparences et des préjugés plus ou moins conscients associés à la couleur de leur peau plutôt que sur un objectif de sécurité routière», a dit le juge, rappelant que le profilage racial « s’exerce de façon insidieuse, sans que le policier soit pour autant mû par des valeurs racistes».

Il a ainsi conclu que les interceptions routières sans motif réel violaient les droits des citoyens et qu’elles amenaient un impact disproportionné sur communauté noire.

 

Les corps de police de partout dans la province auront six mois pour changer leurs façons de faire, a-t-il ordonné.

Une décision « préoccupante pour la sécurité publique », considérant que les policiers jouent un grand rôle pour améliorer le bilan routier, croit M. Brochet.

«Il ne faut pas oublier, on avait dans les années 70 pas moins de 2200 décès sur notre route chaque année. L’an dernier, on en avait 347, a rappelé M. Brochet. Les contrôles routiers ont un impact majeur sur ce phénomène-là.»

Il admet que depuis 50 ans, plusieurs choses ont aussi permis d’améliorer le bilan routier, comme la prévention, la technologie et les avancées dans la construction automobile.

«Mais on ne peut pas mettre de côté cette possibilité d’intervenir pour nos policiers à travers le Québec», a-t-il martelé.

M. Brochet se demande d’ailleurs si, à l’approche des Fêtes, il pourra y avoir des barrages pour intercepter des conducteurs intoxiqués.

« Pourtant, lors d’un barrage routier, il n’y a justement aucune sélection, tout le monde est en file, il n’y a pas de discrimination », a nuancé Me Arij Riahi, qui a participé à la recherche d’une des expertises produites en cour.

D’ailleurs, le jugement n’est pas un bar ouvert aux automobilistes : « Si quelqu’un commet une infraction, peu importe la couleur de la peau, la nationalité ou la religion, tu l’interceptes. Ce n’est pas remis en cause. C’est le motif de l’interception qui l’est », a dit l’ex-policier Alfredo Munoz, qui termine présentement son stage au Barreau de l’Ontario.

Selon Pierre Brochet, des mesures autres que d’enlever des pouvoirs aux policiers auraient eu moins d’impacts.

« Lorsqu’il y a des cas de profilage, il y en a des sanctions, il en existe des cas de profilage à la [Commission] des droits de la personne ou en déontologie », a-t-il dit.

Or, le magistrat précise dans son jugement que devant ces instances, il est bien souvent « impossible d’établir l’existence du profilage racial derrière l’événement que dénonce une plainte ».

Stéphane Wall, un policier à la retraite, suggère pour sa part la mise en place d’un historique sur les plaques de véhicule, afin d’éviter qu’un même individu sans histoire se fasse interpeller à multiples reprises.

M. Wall craint d’ailleurs que cette décision judiciaire ne profite aux criminels, qui se croiront libres de se promener sans craindre de se faire arrêter.

« Quand un policier intercepte quelqu’un, ça peut devenir rapidement enquête criminelle parce que ça se peut qu’il retrouve une arme dans le véhicule ou que le conducteur ait un permis sanctionné ou qu’un passager soit défaut mandat », a-t-il illustré.

Le premier ministre François Legault n’a pas annoncé hier s’il entend contester la décision rendue par la Cour supérieure. Il a admis que les interpellations aléatoires sont parfois nécessaires. Il a aussi insisté sur l’importance de « laisser les policiers faire leur travail », surtout considérant les nombreuses fusillades survenues cet été dans la métropole.

-Avec Patrick Bellerose

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