La Loi sur la laïcité de l’État en procès
C’est cette semaine que débute le procès de la Loi sur la laïcité de l’État (Loi 21) à la Cour d’appel du Québec. Neuf motifs d’appel du jugement de la Cour supérieure sur la validité de la Loi 21 seront entendus parmi lesquels l’atteinte aux droits fondamentaux (liberté de religion c. liberté de conscience) et le droit à l’égalité entre les femmes et les hommes.
Deux groupes de témoins sont intervenus à la Cour supérieure lors de la contestation judiciaire de la Loi 21. Ainsi, des enseignantes ont soulevé leur droit à la liberté d’expression et de religion pour demander l’invalidation de la Loi 21 tandis que des parents, majoritairement de culture musulmane, ont fait valoir, en appui à la Loi, leur liberté de conscience et celle de leurs enfants fréquentant l’école publique québécoise.
Certes, aucun droit n’est absolu. La Cour d’appel devra donc déterminer si les droits à la liberté d’expression et de religion s’appliquent aux représentants l’État et si l’État a une obligation de neutralité religieuse, de fait ou d’apparence, pour protéger la liberté de conscience des citoyens recevant un service public. Lorsqu’il y a conflit entre deux droits, une approche ciblée est privilégiée. Dans le cas de la Loi 21, l’interdiction s’adresse uniquement aux représentants de l’État en position d’autorité.
Égalité entre les sexes
Le juge Blanchard a écarté, dans son jugement de la Cour supérieure, les arguments relatifs à l’importance de la Loi 21 pour l’égalité entre les sexes. Il s’explique en mentionnant que « le judaïsme requiert que les hommes juifs orthodoxes ou qui suivent une tradition conservatrice doivent se couvrir la tête pour faire preuve d’humilité envers leur Dieu. » Il poursuit en affirmant « En tout respect, on voit mal comment le port de ces symboles comporterait une signification d’asservissement pour une femme, mais pas pour un homme. »
Cette comparaison est pour le moins étonnante : le voile est un signe d’humilité et de pudeur envers des hommes, ce qui met en cause l’égalité entre les sexes, tandis que la kippa est portée comme signe d’humilité envers Dieu.
Il sera intéressant de voir si la Cour d’Appel estimera que le juge Blanchard a commis une erreur de droit en ne considérant pas le droit à l’égalité des femmes et des hommes, un des principes pivot de la Loi 21, lorsqu’il a conclu que celle-ci ne respectait pas des droits des minorités linguistiques et qu’il a soustrait les commissions scolaires anglophones de son application.
- Écoutez l'édito de Philippe Lorange diffusé sur les ondes de QUB radio :
Conclusion
« Femmes, vie, liberté », voilà le cri du cœur des Iraniennes et des Iraniens désireux de s’émanciper d’un système théocratique, dont le voile est le porte-étendard. Ces évènements hors du commun, portés avec courage, nous font réaliser l’importance de la neutralité religieuse de l’État pour le respect des droits de tous. La Loi 21, qui interdit le port de signe religieux à certains représentants de l’État dans le cadre de leurs fonctions, est le fruit d’un parcours historique ayant débuté lors de la Révolution tranquille. Il repose sur la séparation de l’État et des religions, la neutralité religieuse de l’État, l’égalité de tous les citoyens et citoyennes et la liberté de conscience et la liberté de religion.
Le Québec fait partie du monde. Le respect des droits de la personne et la lutte des femmes pour l’égalité en font partie. C’est dans ce contexte international que la Cour d’appel devra se prononcer sur la validité de la Loi 21.
Marie-Claude Girard, Retraitée de la Commission canadienne des droits de la personne