Des taux d’intérêt de rêve pour les prêts du gouvernement du Québec
Le taux moyen sur les prêts aux compagnies est d’à peine 2,08 %
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Le gouvernement traite les entreprises aux petits oignons : le taux d’intérêt moyen des prêts qu’il leur accorde est de 2,08 %, soit bien moins que ce qu’il demande aux étudiants et aux organismes communautaires.
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Le taux moyen de 2,08 % consenti aux entreprises se compare à celui de 2,52 % imposé aux organismes municipaux, à celui de 2,95 % payé par les étudiants et à celui de 3,05 % assumé par les organismes communautaires, apprend-on dans les comptes publics 2021-2022, publiés récemment par le ministère des Finances du Québec.
« Des taux d’intérêt aussi bas, ça doit être vu comme des subventions aux entreprises », lance Nicolas Gagnon de la Fédération canadienne des contribuables.
Moins que son taux d’emprunt
Le taux d’intérêt moyen des prêts aux entreprises est nettement moins élevé que celui auquel le gouvernement effectue ses propres emprunts, qui s’élevait à 3,06 % au cours de l’exercice qui a pris fin le 31 mars, indiquent les comptes publics.
Les « conditions avantageuses importantes » consenties par Québec sur les prêts aux entreprises coûtent plus de 100 millions de dollars par année aux contribuables, calcule le ministère des Finances.
Le faible taux moyen s’explique en bonne partie par les nombreux prêts sans intérêt accordés aux entreprises au fil des ans. Selon le ministère de l’Économie, ceux-ci comptaient pour près de 36 % du total en 2020-2021.
En date du 31 mars 2022, Québec avait prêté plus de 3,6 milliards de dollars aux entreprises. Cela représente près de 56 % de l’ensemble des prêts effectués par le gouvernement.
Prêts risqués
Les prêts de l’État aux entreprises sont risqués : à peine 35 % de la somme de 3,6 milliards de dollars est protégée par des actifs en garantie. Et pas moins du quart du portefeuille est couvert par des provisions pour pertes, ce qui signifie que le gouvernement s’attend à ne pas pouvoir récupérer ces sommes.
« Avec la récession qui approche, le gouvernement devrait réduire certaines dépenses, estime M. Gagnon. Pourquoi ne pas commencer par les subventions aux entreprises ? »
Étudiants moins choyés
Pour la présidente de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), Maya Labrosse, la question globale de l’endettement est plus importante que le seul aspect des taux d’intérêt.
Depuis des années, les organisations étudiantes demandent au gouvernement d’accorder plus de bourses d’études afin de réduire le recours aux prêts.
« Il faut faire en sorte que les étudiants ne s’endettent pas trop, ce qui leur éviterait d’avoir à subir ces taux d’intérêt », affirme Mme Labrosse.
La FECQ espère que Québec pourra s’entendre avec Ottawa sur le projet fédéral d’éliminer les intérêts sur les prêts aux étudiants, évoqué récemment dans Le Devoir.
Bond de 40 % en seulement un an du montant des aides financières
Le ministère de l’Économie, dirigé par Pierre Fitzgibbon, a accordé pour plus de 1,6 milliard $ en aide financière aux entreprises en 2021-2022, soit 40 % de plus que l’année précédente.
Les sommes versées comprennent 33,3 millions $ attribués dans le cadre du fonds Capital ressources naturelles et énergie, 208 millions $ par le biais du Fonds pour la croissance des entreprises québécoises et 1,36 milliard $ par l’entremise du Fonds du développement économique, indiquent les comptes publics 2021-2022 publiés au début du mois.
Fort impact de la Pandémie
Les chiffres de 2020-2021 et de 2021-2022 ont été gonflés par le Programme d’action concertée temporaire pour les entreprises (PACTE), mis en place en lien avec la pandémie. Sur une période d’environ 18 mois, quelque 1479 entreprises ont reçu un total de 1,24 milliard $ en prêts et en garanties de prêt dans le cadre de ce programme.
En 2019-2020, le ministère de l’Économie avait versé près de 855 millions $ en aide financière aux entreprises, principalement sous forme de prêts, mais aussi de placements en actions.
À la fin mars, le gouvernement détenait pour plus de 3,6 milliards $ en prêts aux entreprises. À titre de comparaison, l’Ontario, dont la population est 70 % plus élevée qu’au Québec, avait prêté tout juste 970 millions $ aux entreprises à la même date.
La qualité du crédit des entreprises auxquelles Québec a avancé des fonds semble toutefois se stabiliser.
En 2021-2022, le gouvernement n’a pas eu à inscrire, à ses états financiers, de provisions pour créances douteuses à l’égard des prêts aux entreprises.
Les deux années précédentes, il avait rayé plus de 1,4 milliard $ à ce titre. Le gouvernement a notamment dû radier en totalité son placement de 1,3 milliard $ dans le programme d’avions C Series de Bombardier, aujourd’hui connu sous le nom d’A220 d’Airbus.