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Trudeau a perdu patience avec la police

Trudeau a perdu patience avec la police
AFP

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On ne peut pas dire que Justin Trudeau était pris d’une idée de grandeur en recourant à la Loi sur les mesures d’urgence pour mater le convoi de la liberté. 

Il n’a pas pris la décision seul, dans sa tour d’ivoire, mû par un plan machiavélique de politiser nos lois.

La décision finale lui revenait, certes.

Mais le premier ministre a affirmé que tout le monde autour de la table était d’accord. La fonction publique, ses conseillers en sécurité nationale, ses ministres. Tout le monde.

Le tout confirmé par un avis juridique de son ministre de la Justice qui demeurera malheureusement secret.

C’est LA pièce manquante du puzzle.

Justin Trudeau pourra toujours dire qu’il a pris la très grave décision d’invoquer la Loi sur les mesures d’urgence, accordant des pouvoirs de contrôle exceptionnels sur la population, avec le feu vert de l’appareil fédéral au grand complet.

On peut s’en réjouir, mais aussi s’en inquiéter. 

Oui, Justin Trudeau semble avoir agi en leader responsable d’une démocratie en reposant sa décision sur les meilleurs conseils d’experts.

Mais on comprend aussi que l’État fédéral peut faire entrer un carré dans un cercle s’il le souhaite.

Plus confiance en la police

Les services policiers, tant la police d’Ottawa, de l’Ontario et la GRC, ont longuement plaidé durant la commission que les mesures d’urgence n’étaient pas nécessaires.

Après 31 jours d’audience et 76 témoins, on comprend mieux pourquoi.

Policiers et politiciens n’étaient visiblement pas sur la même longueur d’onde.

Justin Trudeau a été on ne peut plus clair dans son témoignage. Quelques jours avant l’invocation des mesures d’urgence, il avait perdu confiance dans les forces policières.

«Leur plan n’était pas un plan», a-t-il pesté en substance.

Les policiers n’avaient pas besoin de plus de pouvoir, mais de temps pour agir, selon eux. C’était trop tard, le gouvernement Trudeau avait perdu patience.

Dans ce contexte, demander des pouvoirs supplémentaires aurait été une forme d’admission d’incompétence, ou du moins de désorganisation. 

Malheureusement pour les pouvoirs policiers, c’est ce qui ressort des audiences de la commission.

Pente glissante

Il n’en demeure pas moins qu’il est loin d’être clair que le gouvernement Trudeau était justifié, d’un point de vue légal, de recourir à la Loi sur les mesures d’urgence, pour une première fois de l’histoire.

C’est ce que le juge franco-ontarien Paul Rouleau est appelé à trancher.

Invoquer la Loi sur les mesures d’urgence exige qu’il y ait une menace à la sécurité du Canada telle que définie par la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS).

Or, les espions canadiens n’ont jamais trouvé de pareille menace durant le convoi. Ont-ils assez cherché? Ou leur manquait-il des outils pour arriver à une telle conclusion? C’est une possibilité.

Il reste que le gouvernement Trudeau et l’appareil fédéral ont jugé que la menace posée par le convoi répondait à cette exigence, en vertu d’une définition plus large de cette menace.

Une définition validée par un avis juridique que nous ne connaîtrons jamais.

Sommes-nous sur une pente glissante? Sommes-nous en train d’abaisser la barre pour l’utilisation d’une loi d’exception qui confère à l’État de larges pouvoirs de coercition sur sa population?

Réjouissons-nous d’une chose. La Commission sur l’état d’urgence est un remarquable exemple de transparence.

C’est un passage obligé pour tout gouvernement qui souhaite se servir de cette loi.

Celui qui voudra s’en servir la prochaine fois devra être prêt à rendre des comptes.

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