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Incapables d'être soignés en français : peu de patients portent plainte

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Perte de temps, peur des représailles, exaspération : toutes sortes de raisons expliquent que peu de patients portent plainte pour le mauvais service reçu en français dans certains hôpitaux. 

« Tu n’oses pas, car ton proche reçoit des soins », souligne Véronique Gauthier, dont la mère a été traitée en anglais lors d’une hospitalisation à l’Institut neurologique de Montréal.    

« Moi, toute seule, je me dis que je perds mon temps... Mais il faudrait le faire », avoue Johanne Plante, qui s’est fait soigner principalement en anglais à l’Hôpital général juif.    

Plaintes en hausse ?  

Au CUSM, 158 plaintes ont été reçues par des usagers francophones entre 2015 et 2020, selon des documents obtenus par l’Accès à l’information. En 2020, 33 dossiers ont été ouverts, soit le plus haut total en cinq ans. Du côté anglophone, seulement 37 patients ont déposé une plainte en cinq ans.    

Du côté du CIUSSS du Centre-Ouest-de-l'Île-de-Montréal (Hôpital général juif), 34 plaintes à ce sujet ont été reçues depuis cinq ans. Or, 22 de ces plaintes ont été reçues depuis l’an dernier seulement.    

À titre comparatif, seulement trois plaintes ont été déposées par des anglophones depuis un an.    

L’Office québécois de la langue française reçoit aussi des plaintes en santé spécifiquement, et l’augmentation est marquante. On passe de sept plaintes il y a cinq ans à 36 l’an dernier.   

Selon l’organisme Impératif français, le nombre de plaintes reçues dans ces hôpitaux ne représente pas l’ampleur du problème.    

« Le patient est placé dans une situation de vulnérabilité, où ce qui lui importe est d’obtenir le service. Il ne veut pas entrer dans une guerre linguistique sur place, réagit Jean-Paul Perreault, président. Mais tous les patients devraient refuser d’être servis en anglais et demander l’accueil en français ! »   

Fait ironique, une patiente insatisfaite du service à l’Hôpital de la Cité-de-la-Santé, à Laval, s’est vu remettre un formulaire de plainte uniquement en anglais, en août dernier.    

« J’ai attendu 20 minutes juste pour avoir un document en anglais. Ça m’a découragée, avoue Catherine Messier. On m’a dit que c’est tout ce qu’il restait et que même si je n’étais pas contente, ils n’avaient pas le temps. »    

Faire respecter le droit 

Dans le contexte où les problèmes linguistiques sont difficiles à mesurer, plusieurs organismes encouragent les gens à porter plainte.    

« Il faut être respectueux, vigilants, mais faire respecter le droit que les patients soient servis dans leur langue », dit Paul Brunet, président du Conseil de la protection des malades.   

« Ça commence par là. On doit le relever, sinon on ne pourra jamais mesurer la problématique », ajoute Marie-Anne Alepin, présidente de la Société Saint-Jean-Baptiste.    

Du côté du Collège des médecins du Québec, on répond par courriel que ce motif de plainte est peu fréquent et n’est pas colligé par le Bureau du syndic.    


Plaintes enregistrées pour mauvais services en français  

CUSM --> 158

OQLF --> 86

CIUSSS Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal --> 34*

CIUSSS Ouest-de-l’Île-de-Montréal --> 13

Plaintes reçues depuis 2015, NDLR

*Depuis 2017 seulement


Quels sont les droits des anglophones ?  

L’article 15 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux reconnaît « le droit de recevoir en langue anglaise des services de santé et des services sociaux, compte tenu de l’organisation et des ressources humaines, matérielles et financières des établissements qui dispensent ces services et dans la mesure où le prévoit un programme d’accès ».    

À titre d’exemple, un établissement qui n’a pas d’orthophonistes anglophones ne peut offrir le service d’orthophonie en anglais de son territoire, puisqu’il n’a pas cette ressource. Par conséquent, le service d’orthophonie en anglais ne sera pas inscrit dans le programme d’accès de cet établissement.   

Certains établissements (hôpitaux, CLSC, CHSLD) dans plusieurs régions ont donc été désignés pour offrir tous leurs services en anglais. La liste complète se retrouve sur le site du MSSS. 

Le français est obligatoire, dit la loi

L'article 35 de la Charte de la langue française stipule que « les membres d'un ordre professionnel doivent avoir une connaissance du français appropriée à leur profession ». 

Depuis le 1er juin dernier, les ordres professionnels, comme le Collège des médecins du Québec, peuvent même obliger un professionnel à obtenir une attestation de l’OQLF et à repasser un examen, même s’il en avait été exonéré antérieurement. Des cours de perfectionnement en français pourraient aussi être ordonnés.    

Autrement dit, « il ne suffit pas d’avoir une connaissance de la langue française [...] au moment de l’obtention du permis d’exercice », écrit le Collège, il faut la maîtriser tout au long de sa carrière.    

Tous les médecins (et membres d’ordres professionnels) diplômés à l’extérieur du Québec doivent démontrer qu’ils répondent aux exigences de la Charte de la langue française. Si le cursus du médecin ne répond pas aux critères*, il devra se soumettre à l’examen de français de l’Office québécois de la langue française (OQLF). La réussite de l’examen est obligatoire pour obtenir un permis régulier.    

L’Office québécois de la langue française a refusé de montrer une copie d’un ancien examen de langue française au Journal. Sur le site internet, on peut lire que le test est ajusté selon les compétences des 46 ordres professionnels. Il s’agit d’une étude de cas liée au contexte professionnel.    

Le Collège a récemment revu avec l’OQLF le contenu de son examen afin de s’assurer que l’évaluation tienne compte de la réalité médicale. 


Vous souhaitez dénoncer une situation vécue dans le réseau de la santé ? communiquez avec notre journaliste : heloise.archambault@quebecormedia.com

 

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