/world/usa
Navigation

Une révolution du droit électoral en débat à la Cour suprême des États-Unis

Une révolution du droit électoral en débat à la Cour suprême des États-Unis
Getty Images via AFP

Coup d'oeil sur cet article

La Cour suprême des États-Unis examine mercredi un dossier de droit électoral qui suscite de fortes craintes à gauche — mais pas seulement — car il pourrait révolutionner l’organisation des scrutins pour la Maison-Blanche et le Congrès. 

• À lire aussi: La Cour suprême pourrait autoriser certains commerces à écarter les clients homosexuels

• À lire aussi: Refus de servir des mariés gais: acte II à la Cour suprême des États-Unis

• À lire aussi: La Cour suprême se saisit de l’annulation de la dette étudiante par Biden

L’audience portera sur une nouvelle théorie légale proposée par les parlementaires républicains de Caroline du Nord qui, si elle était adoptée, donnerait les coudées franches aux législateurs des 50 États pour organiser les élections fédérales.

Vote par correspondance, horaires d’ouverture des bureaux, documents à présenter pour s’inscrire sur les listes électorales...: la Constitution confie aux législateurs de chaque Etat la tâche de fixer «l’époque, le lieu et la procédure» des scrutins.

Leurs lois sont toutefois soumises au contrôle des tribunaux locaux et au possible veto du gouverneur de leur État. C’est ce que les élus de Caroline du Nord veulent changer. 

Pour eux, la Constitution «place la régulation des élections fédérales entre les mains des parlementaires des États et de personne d’autre».

Cette théorie dite «des législateurs d’État indépendants» n’a «jamais été validée par la Cour suprême même si elle circule depuis quelque temps», a remarqué la juriste Amy Mason Saharia lors d’une présentation du dossier devant l’institut juridique Cato.

Quatre de ses neuf juges ont exprimé leur intérêt pour cette lecture «et il y a des chances que la Cour adopte cette doctrine», selon Me Saharia. 

«Fragile démocratie»

Le gouverneur démocrate de Caroline du Nord Roy Cooper estime qu’un tel arrêt «pourrait fondamentalement transformer la démocratie américaine», déjà fragilisée par les tentatives de l’ancien président Donald Trump d’annuler sa défaite à l’élection de 2020.

«Notre démocratie est un écosystème fragile qui a besoin de contre-pouvoirs pour survivre», écrit-il dans une tribune publiée par le New York Times.

Accusant les élus républicains de son État d’avoir «manipulé le processus électoral pour des gains politiques», le gouverneur s’est réjoui que la justice locale ait été en mesure de bloquer leurs efforts.

L’une de ces batailles est au cœur de l’affaire portée devant la Cour suprême. 

Le recensement de 2020 ayant constaté une hausse de la population en Caroline du Nord, l’État a gagné un siège supplémentaire à la Chambre des représentants. Ses parlementaires ont alors redessiné les contours des circonscriptions.

En février, leur carte a été invalidée par la Cour suprême de l’État, qui a jugé qu’elle favorisait le parti républicain en regroupant les électeurs démocrates dans certaines circonscriptions pour diluer leur vote ailleurs. 

Une seconde carte n’ayant pas semblé plus équitable, la haute juridiction locale a nommé un expert indépendant pour s’en charger. 

Les législateurs de Caroline du Nord se sont alors tournés vers la Cour suprême des États-Unis, en reprochant au pouvoir judiciaire local d’avoir usurpé leur rôle.

Ses sages ont refusé d’intervenir en urgence et la carte de l’expert a bien servi aux élections de mi-mandat, en novembre, permettant d’élire sept représentants de chaque parti. Mais la Cour a souhaité se saisir de la question de fond.

«Absurde»

À l’approche de l’audience, le gouvernement du président Joe Biden, des sénateurs et des États démocrates, des professeurs de droit et toutes les grandes associations de défense des droits civiques (ACLU, NAACP, ADL, HRW) ont écrit à la Cour pour la dissuader d’adopter la nouvelle théorie. 

«Cette interprétation extrémiste de la Constitution aiderait les élus locaux à priver certains électeurs du droit de vote, à découper les circonscriptions à leur guise et, potentiellement, à saboter le résultat des élections», a expliqué à la presse Sophia Lin Lakin de l’ACLU.

Le parti républicain a jugé «absurde» ce discours alarmiste. Donner raison aux élus de Caroline du Nord «ne donnera pas carte blanche aux législatures des Etats», dont les travaux pourront toujours être contestés devant les tribunaux fédéraux, a-t-il plaidé dans un argumentaire transmis à la haute cour.

Mais dans les rangs conservateurs, la théorie ne fait pas l’unanimité. «Notre système politique souffrirait grandement si le charcutage des circonscriptions électorales était laissé hors de contrôle», a notamment estimé l’ancien gouverneur républicain de Californie Arnold Schwarzenegger.

La Cour doit rendre sa décision avant le 30 juin.

Commentaires

Vous devez être connecté pour commenter. Se connecter

Bienvenue dans la section commentaires! Notre objectif est de créer un espace pour un discours réfléchi et productif. En publiant un commentaire, vous acceptez de vous conformer aux Conditions d'utilisation.