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Rapport accablant: traitement lamentable des plaintes à l’Église catholique montréalaise

Un rapport lève le voile sur la façon dont l’Église gère des dénonciations contre des prêtres

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Une crise secoue l’archevêché de Montréal avec la publication d’un rapport dévastateur sur le traitement des plaintes déposées contre les prêtres et la démission d’une juge retraitée qui tentait d’améliorer la façon dont celles-ci étaient gérées par l’Église. 

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Mandatée pour défendre les victimes des prêtres, l’ombudsman de l’archevêché, Me Marie Christine Kirouack, jette un regard accablant sur le climat qui prévaut au sein de l’Église catholique montréalaise. Notre Bureau d’enquête a obtenu une copie à l’avance de son cinquième rapport trimestriel, qui est publié aujourd’hui.

Me Kirouack y fait état de l’intrusion inacceptable d’un responsable religieux dans le traitement des plaintes contre les prêtres, d’une menace de congédiement envers un employé crucial à son travail et même d’une plainte déposée contre elle au Barreau du Québec par une personne de l’archevêché.

La sortie du rapport coïncide avec la démission de la juge à la retraite Pepita G. Capriolo, elle aussi outrée par la situation, de son poste à l’archevêché. Elle avait assuré la mise en œuvre d’un nouveau processus plus rigoureux de traitement des plaintes envers les prêtres.

  • Écoutez l'édito de Richard Martineau diffusé chaque jour en direct 8 h 45 via QUB radio :

Novateur

Mme Capriolo était à l’origine de l’idée de ce processus, considéré comme novateur par plusieurs spécialistes dans le domaine religieux. 

Il avait été lancé dans la foulée du volumineux rapport qu’elle a produit en 2020 sur le cas d’un prêtre montréalais reconnu coupable d’agressions sexuelles sur deux adolescents, où elle constatait des manquements majeurs dans le fonctionnement de l’archevêché.

La démarche de Mme Capriolo a d’ailleurs fait l’objet d’un documentaire de notre Bureau d’enquête, intitulé Secrets et péchés de l’Église, disponible sur la plateforme Vrai depuis septembre dernier.

Dans sa lettre de démission, publiée en annexe du rapport de l’ombudsman Kirouack, l’ancienne magistrate de la Cour supérieure fait part de sa «tristesse» et de sa «réelle déception» face à la tournure des choses dans l’Église montréalaise.

«Malgré les efforts de plusieurs intervenants de bonne foi, écrit-elle, de graves problèmes subsistent dans la mise en œuvre des recommandations [de mon rapport] et dans l’application des règlements, des politiques et des procédures approuvées par l’archevêque.»

Travail dérangeant

Pour sa part, l’ombudsman Kirouack constate dans son rapport que les problèmes qu’elle rencontre proviennent de certaines personnes. 

«Est-ce que je pense que mon travail dérange certaines personnes de l’ancienne garde? Définitivement, surtout ceux qui, en toute connaissance de cause, n’ont pas agi par le passé dans [des dossiers de plaintes] et qui sont toujours en poste.»

En conclusion, elle pose néanmoins un jugement critique sur le leadership de l’archevêque Christian Lépine. 

«Est-ce que je remets en question la bonne foi de l’archevêque? Non. Mais est-ce que je pense qu’il manque de force dans l’application des règles? Oui. Et qu’il est possiblement mal conseillé? Fort possiblement.»

Un vicaire coulait des infos sur les dénonciations

L’ombudsman de l’archevêché de Montréal dit avoir découvert l’été dernier qu’un vicaire épiscopal, qu’elle n’identifie pas, coulait des informations contenues dans des plaintes contre des prêtres.

C’est ce qu’on apprend dans le rapport rendu public aujourd’hui de Me Marie Christine Kirouack

«Il relayait des courriels en copie cachée à une personne extérieure au mépris de la confidentialité du processus de plainte, et ce faisant, dévoilait : le nom de plaignants, le nom de personnes visées par des plaintes [...] et même certains de mes courriels comme ombudsman concernant des plaintes.»

Me Kirouack a porté le cas à l’attention des responsables de l’archevêché qui ont fini par suspendre le vicaire trois mois plus tard. 

Un délai qu’elle considère comme trop long et «difficilement compréhensible».

Estomaquée

Celle-ci est estomaquée par la façon cavalière avec laquelle a été traité l’archiviste de l’archidiocèse – qu’elle ne nomme pas –, un employé essentiel à son travail d’ombudsman. Celui-ci a été menacé de congédiement «selon toute vraisemblance pour avoir osé demander une augmentation», écrit-elle, à cause d’un surcroît de travail occasionné par le nouveau processus de traitement des plaintes contre les prêtres.

Mais l’histoire ne finit pas là. Un employé de l’archevêché a décidé de son propre chef de suspendre les accès informatiques de l’archiviste à la suite de son départ en congé maladie, ce qui a eu pour effet de priver l’ombudsman de l’accès à certains dossiers de plaintes.

Monseigneur Christian Lépine, Archevêque de Montréal
Photo d'archives, Joël Lemay
Monseigneur Christian Lépine, Archevêque de Montréal

Me Kirouack s’en est plainte immédiatement aux responsables de l’archevêché, dont Mgr Christian Lépine. 

L’employé visé, lui, a rétorqué de façon inattendue en portant plainte contre elle au Barreau du Québec.

«En prenant ce travail, je savais que je ne gagnerais pas en popularité, mais de là à être l’objet de plaintes au Barreau, il y a une marge», écrit-elle.

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