Nouveau mode de financement forestier: rémunérés pour stocker du carbone
Ce mode de financement permet de préserver des boisés québécois et leur biodiversité
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Au moment où se tient à Montréal la COP15 sur la biodiversité, une forêt privée québécoise recevra ses premiers revenus issus du marché carbone pour avoir conservé ses milieux naturels. Une première au Canada.
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« Désormais, on peut mettre une valeur sur une forêt, sur des arbres qui sont debout ou morts. Avant tu bûchais ou tu vendais ton terrain, il n’y avait pas d’alternative », explique Dany Senay, qui a développé le projet Pivot chez Ecotierra.
Tout au sud du Québec, dans les Cantons-de-l’Est, s’étendent 5400 hectares de forêt communautaire préservée, de propriété privée, issue d’un don testamentaire.
« C’était une forêt qui était très très exploitée, on travaille à la régénérer et à la préserver pour les générations futures », souligne Sylvie Harvey, la directrice générale.
Si ce boisé bénéficie d’un legs, la tâche n’en est pas moins coûteuse, d’autant plus qu’elle doit s’étendre à perpétuité.
De cet enjeu est né un partenariat entre la forêt Hereford, l’entreprise Ecotierra et l’Université Laval, en 2014.
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Vendre les crédits carbone
Huit ans plus tard, une nouvelle source de financement est née, via le marché carbone volontaire. Elle permettra d’aider à préserver les précieux boisés québécois.
Face à la crise environnementale, de plus en plus d’entreprises se donnent pour objectif d’atteindre la carboneutralité.
Pour ce faire, elles réduisent leurs émissions de gaz à effet de serre, mais achètent aussi des crédits carbone, pour compenser la pollution qu’elles génèrent encore.
Or, les arbres offrent le service de capter le CO2.
Ils peuvent donc « vendre » les crédits carbone qu’ils génèrent à ces entreprises. Une forêt peut ainsi bénéficier d’un revenu annuel par la simple existence de ses arbres.
L’innovation a permis à la forêt Hereford de mettre en conservation 800 hectares de forêt autrefois surexploités. Elle recevra sous peu son premier paiement issu des crédits carbone vendus.
Augmenter les aires protégées
Cette première ouvre la voie à l’ensemble des petits propriétaires forestiers québécois : organismes de conservation, municipalités, familles, groupements forestiers.
Neuf cents nouveaux hectares viennent d’être intégrés au projet Pivot par le Corridor appalachien pour un revenu annuel de 100 000 $.
L’organisme de conservation veut accroître les surfaces protégées, notamment dans le sud du Québec.
Ces écosystèmes sont les plus riches, mais aussi les plus menacés par la pression immobilière.
« Il y a urgence de déployer tous les outils possibles collectivement et d’accélérer le rythme d’action », presse Mélanie Lelièvre, directrice générale. Le marché carbone est un nouveau levier de financement qu’il faut encourager, estime-t-elle.
Les groupements forestiers aussi
La nouvelle forme de rétribution financière représente aussi un nouvel outil pour les petits exploitants et groupements forestiers.
En préservant davantage la nature et en récoltant le bois moins souvent, il est possible de générer une empreinte carbone positive et de vendre les crédits carbone associés.
Des crédits de haute qualité
La méthodologie développée par Ecotierra vise à générer des crédits carbone de « haute qualité ». Le projet est le premier au Québec sous le standard VCS, internationalement reconnu. C’est aussi le premier projet groupé au Canada.
L’entreprise à vocation sociale se veut très sélective quant aux forêts participantes comme aux acheteurs de crédits. Les entreprises pétrolières, gazières ou extractives ne sont pas admises dans le projet.
LE PROJET PIVOT vise à intégrer 15 000 hectares de forêt québécoise au marché carbone volontaire d’ici 2030.