Mystérieuse Sainte Fabiola: la petite histoire de la sainte des victimes de violence conjugale
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Depuis le début de la pandémie, on assiste au Québec comme ailleurs à une recrudescence de la violence conjugale. Les femmes maltraitées par leur mari ont une sainte patronne – sainte Fabiola –, dont la fête est le 27 décembre. Elle est aussi la sainte patronne des infirmières qui ont, elles aussi, beaucoup d’occasions de l’invoquer par les temps qui courent.
Née dans une riche famille patricienne à Rome dans les années 300, elle fut mariée deux fois – d’abord à un homme immoral et abusif, de qui elle divorça, ensuite à un homme dont elle a pleuré toute sa vie la mort prématurée. Elle fit publiquement pénitence de son divorce. Devant la basilique Saint-Jean-de-Latran, la tête couverte de cendres, revêtue d’un sac en lin déchiré, elle reçut l’absolution du pape.
Fabiola fit bâtir à ses frais un hôpital à Rome – le premier en Occident –, où elle s’est occupée de prodiguer des soins aux malades et consacra son immense fortune aux pauvres. Elle a aussi donné beaucoup à l’Église, ce qui a dû aider à sa béatification. Elle est la seule sainte divorcée de l’Histoire. Comme elle était disciple de saint Jérôme, c’est lui qui écrivit son éloge funèbre à sa mort en 399.
Mère Teresa avait une dévotion pour Fabiola, en quelque sorte l’ancêtre lointaine de la sainte de Calcutta.
Dans les marchés aux puces
Fabiola serait restée obscure si le cardinal Wiseman, archevêque de Westminster, n’avait écrit un livre à succès sur elle en 1854, Fabiola ou l’Église des Catacombes, inspirant le peintre français Jean-Jacques Henner à peindre son célèbre « portrait » d’elle en 1885.
Dans les années 1980, alors que je vivais à Paris, j’ai trouvé au marché aux puces de Saint-Ouen une copie de bonne qualité de la toile. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que la toile de Henner exerce un étrange envoûtement sur beaucoup de monde.
Représentation idéalisée de la piété féminine, ses imitations hantent les marchés aux puces et les bazars de Paris à Saint-Pétersbourg, en passant par Beyrouth, Buenos Aires et Mexico. Elle est devenue une icône planétaire.
L’artiste belge Francis Alÿs s’est installé à Mexico au début des années 1990. Il a trouvé dans les braderies de la ville de nombreuses reproductions du portrait de sainte Fabiola qui l’a fasciné. D’innombrables « artistes » depuis 137 ans sont séduits par la peinture de Henner, surtout connu pour ses toiles de femmes rousses nues alanguies aux chairs pâles.
Comme la Joconde
La collection d’Alÿs, Le Fabiola Project, a été exposée dans plusieurs pays. Il serait difficile d’imaginer une exposition de portraits plus insolite. Des centaines d’images d’une même femme à la beauté éthérée, vue de profil sur fond sombre, enveloppée dans un voile rouge.
Pendant des années, ce fut la carte postale la plus vendue du Musée du Louvre. L’image de Fabiola a ainsi été diffusée à travers le monde par des touristes. Comme celle de la Joconde ! Étrangement, le Royaume islamique du Yémen a même émis un timbre à son effigie.
La peinture originale de Henner a disparu après avoir été vendue aux enchères au début des années 1900. On dit qu’elle a été détruite lors du tremblement de terre de San Francisco en 1906. Elle pourrait donc encore exister. Peut-être parmi ses innombrables imitations ?
