Monoxyde de carbone: une famille de huit a frôlé la mort dans la nuit de Noël
Ils ont été intoxiqués alors qu’ils tentaient de se réchauffer
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Un Québécois qui a sauvé sa vie et celle de sept membres de sa famille malgré lui d’une intoxication mortelle au monoxyde de carbone implore la population de se doter d’un appareil permettant de détecter ce gaz sournois.
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«Je suis content d’être en vie et que tout le monde soit en vie, mais je n’arrête pas de penser à ça et ça me traumatise. On a passé tellement proche de mourir, toute la famille», souffle au bout du fil Tommy Gagnon, 38 ans.
Le résident de Drummondville s’est rendu le 23 décembre dans sa ville natale de Port-Cartier, sur la Côte-Nord, pour y passer le réveillon à la maison de sa mère. Son frère, avec ses deux enfants de 2 et 8 ans, et sa sœur, avec ses enfants de 2 et 4 ans, étaient aussi présents.
Quelques heures après son arrivée, plus aucune maison de Port-Cartier n’avait de courant, alors que la «bombe météorologique» frappait durement la région. Le 24 décembre au matin, le frère de Tommy, Marco, a pu mettre la main sur une génératrice auprès de son employeur.
«On a installé la génératrice à l’extérieur et on a mis des petites chaufferettes électriques dans la maison», explique M. Gagnon, qui était alors loin de se douter que cela allait risquer la vie de toute sa famille.
Ils y auraient tous passé
Malgré la panne, les enfants ont déballé leurs cadeaux et les adultes ont pu prendre un verre en famille avant d’aller dormir vers 22 h 30.
Or, ce que personne ne savait, c’est que le vent poussait probablement les émanations de la génératrice sous la maison mobile.
Vers 3 h, Tommy Gagnon s’est réveillé, car il n’allait «vraiment pas bien», avec entre autres de violents maux de tête. Il s’est alors rendu à la salle de bains, où il a perdu connaissance et a fait une vilaine chute en se cognant la tête.
Cela a réveillé la mère de M. Gagnon. «Elle était hystérique parce qu’elle pensait que j’étais mort, et à son tour, elle a perdu connaissance. Elle s’est fracassé le dos et a eu deux fractures aux vertèbres.»
Le vacarme a aussi réveillé son frère et sa belle-sœur Jade-Élodie Lebrasseur, qui se sont à leur tour levés avec des symptômes.
Marco s’est à son tour évanoui rapidement, et Jade-Élodie, la dernière encore consciente, a pu appeler les ambulanciers in extremis, qui ont transporté tous les membres de la famille à l’hôpital, où ils étaient sains et saufs.
Les pompiers qui ont aussi été appelés sur les lieux ont détecté une concentration toxique de monoxyde de carbone dans la maison. Ce gaz inodore peut tuer sournoisement pendant le sommeil.
«S’il [Tommy] ne s’était pas réveillé et qu’il n’était pas tombé. On ne se serait jamais réveillés, soutient Mme Lebrasseur, encore sous le choc. Mon plus jeune [enfant] était mou et il n’était pas toute là.»
«Ça peut sauver des vies»
Dès la réouverture des magasins, la famille est immédiatement allée se procurer un détecteur de monoxyde de carbone. Elle recommande aux Québécois de faire de même. «Ça prend ça aujourd’hui. Ça ne coûte rien, c’est une quarantaine de dollars et ça peut sauver des vies.»
Des détecteurs qui ne sont pas assez populaires
L’adoption d’une loi québécoise obligeant à installer un détecteur de monoxyde de carbone dans tous les foyers «devrait être considérée», selon la directrice du Centre antipoison du Québec.
«Chaque fois qu’il y a des pannes d’électricité majeures, on a vraiment une augmentation de l’exposition au monoxyde de carbone», explique Maude St-Onge, directrice médicale du Centre antipoison du Québec.
Le Centre a recensé 65 cas suspectés au cours de la dernière semaine, dont deux décès, alors que des milliers de Québécois ont dû se chauffer entre autres avec des génératrices au gaz pour survivre à des pannes qui ont souvent duré plusieurs jours pendant la tempête hivernale.
Normalement, une quinzaine de cas surviennent chaque semaine au Québec.
Un détecteur peu populaire
Selon les statistiques du ministère de la Santé, aucun détecteur de monoxyde de carbone n’est installé dans plus de la moitié des cas d’intoxication.
Cet appareil peut pourtant sauver des vies, car le monoxyde de carbone est inodore et incolore, et parce que les symptômes qu’il engendre peuvent ressembler à ceux d’une grippe, comme les maux de tête et les vomissements.
«Je pense qu’il y a définitivement encore beaucoup de travail à faire pour en faire la promotion», fait valoir la Dre St-Onge.
La crédibilité dont bénéficient les appareils est encore à faire, puisque ceux qui avaient le détecteur et qui ont été intoxiqués ont vu leur appareil sonner dans 80 % des cas.
«Il arrive que le détecteur sonne, mais que les gens le débranchent en pensant qu’il est défectueux», souligne-t-elle.
Celle-ci affirme qu’une loi pour le rendre obligatoire à l’échelle du Québec «mérite d’être considérée» pour éviter de futurs drames.
«C’est déjà quelque chose qu’on a proposé à certaines municipalités, qui n’a pas systématiquement été endossé pour des raisons que j’ignore.»
Le Centre antipoison recommande à quiconque estime qu’il présente des symptômes de monoxyde de carbone de l’appeler au 1 800 463-5060 pour une évaluation du risque et des conseils de base.