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Une élection en plein hiver: c’est déjà arrivé, avec Trudeau père

THE GREAT DEBATE
Photo d’archives La Presse canadienne Ed Broadbent, Pierre Trudeau et Joe Clark croisant le fer lors du débat des chefs de cette rare élection hivernale de l’histoire canadienne.

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Les gouvernements minoritaires sont par définition fragiles. Justin Trudeau, à la tête d’un gouvernement minoritaire depuis maintenant 16 mois, sera-t-il tenté de plonger le Canada en élections cette année ? Le ferait-il en plein hiver ? Cela fut le cas en 1980, lors d’un scrutin historique qui avait d’ailleurs mené à la résurrection politique de son père, Pierre Trudeau.

L’histoire commence le 22 mai 1979 lorsque les conservateurs de Joe Clark remportent les élections. Pierre Trudeau a fait campagne sur le rapatriement de la Constitution. Il obtient 40 % du vote, contre 35 % pour les conservateurs, mais les bleus ont 136 députés contre 114 pour les rouges. Trudeau annonce sa retraite. 

L’intéressé est alors frappé par les commentaires des journalistes sur sa carrière. Plusieurs notent le peu d’accomplissements. Trudeau est d’autant plus choqué qu’il est passablement d’accord. Son rêve de rapatrier la Constitution a échoué.

Le gouvernement Clark gouverne toutefois avec difficultés. La révolution iranienne a provoqué un choc pétrolier. L’économie va mal. C’est dans ce contexte que les conservateurs présentent un budget d’austérité en décembre 1979.

Des taxes et encore des taxes

Le ministre des Finances, John Crosbie, décide d’imposer plusieurs nouvelles taxes. Il y en a une sur le tabac, une sur l’alcool et surtout une de 18 cents le gallon sur l’essence. 

Ces mesures seront impopulaires, mais les conservateurs sont convaincus que les libéraux, privés de chef, n’oseront pas provoquer une élection en s’alliant au NPD et en rejetant le budget.

Les bleus peuvent d’ailleurs compter en principe sur le vote des créditistes québécois, six députés qui peuvent leur donner une majorité. 

Pour des raisons incompréhensibles toutefois, les troupes de Clark ne les ont pas courtisés. De plus, certains conservateurs sont absents. La ministre des Affaires extérieures, Flora MacDonald, est à Paris. Un député est cloué à son lit d’hôpital... et un autre prolonge ses vacances à Tahiti ! 

Pendant ce temps, les esprits sont à la fête au Parti libéral. Le 12 décembre les rouges ont organisé leur traditionnel party de Noël sur la colline. Pierre Trudeau fait une apparition surprise. Ils invitent les députés à voter contre le budget.

Congé forcé d’hôpital

Dans les heures qui suivent, l’ancien conseiller politique de Trudeau, Jim Coutts, fait le compte des forces en présence en vue du vote le 13 décembre. Il est persuadé que le gouvernement peut être battu si tous les libéraux sont présents et si le NPD d’Ed Broadbent vote lui aussi contre le budget. Coutts convainc tout le monde. 

Le moment venu, il y a même deux élus rouges hospitalisés, qui doivent troquer leur jaquette de patients pour revêtir veston et cravate et aller voter. À 22 h 20, le résultat tombe : 139 contre et 133 en faveur du budget. Clark n’a d’autre choix que de déclencher des élections. 

Joe Clark fut battu sur son impopulaire budget et avait dû déclencher cette élection qu’il n’avait pas souhaitée.
Photo d'archives
Joe Clark fut battu sur son impopulaire budget et avait dû déclencher cette élection qu’il n’avait pas souhaitée.

Cinq jours plus tard, Trudeau annonce son retour.

S’il revient, c’est pour rapatrier la Constitution et terrasser les nationalistes québécois. Sauf qu’il n’en dit rien durant la campagne électorale. 

Le chef libéral attaque le budget conservateur et promet d’intervenir dans le secteur énergétique pour protéger le Canada du choc pétrolier. Il assure aussi que son gouvernement en fera plus pour aider les défavorisés. Trudeau mise aussi sur sa meilleure image et prend des bains de foule en patinant sur le canal Rideau. 

Pierre Trudeau avait été ressuscité politiquement à l’époque.
Photo d'archives
Pierre Trudeau avait été ressuscité politiquement à l’époque.

Le 18 février, le PLC forme un gouvernement majoritaire avec 147 sièges contre 103 pour le PC. Les libéraux obtiennent notamment 74 des 75 sièges au Québec, mais seulement deux dans l’Ouest canadien. Peu importe, Trudeau est désormais en position de force pour gagner le référendum et rapatrier la Constitution. 

Lorsque le gouvernement est minoritaire, l’histoire nous enseigne que tout peut arriver.

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