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Migrant mort de froid à la frontière: abandonné par son passeur en pleine tempête

La veuve du migrant mort à la frontière dit qu’il a été expulsé d’une voiture près de Lacolle

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FLORIDE | Le migrant trouvé mort de froid près de la frontière américaine la semaine dernière pourrait avoir été la victime d’un passeur qui l’a laissé, en pleine tempête de neige, trop loin de son point de passage illégal vers les États-Unis. 

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Selon la veuve de l’homme décédé, celui-ci se serait disputé avec le passeur montréalais, payé à gros prix, avant d’arriver à la frontière. Il en a subi de lourdes conséquences.  

«Le passeur l’a fait descendre de la voiture au milieu de la forêt et l’a laissé partir dans la mauvaise direction en pleine tempête», souligne Guenda Filius en entrevue, très affligée par la mort tragique de son mari, Fritznel Richard.  

La victime décédée en raison du froid, Fritznel Richard.
Photo tirée du compte Instagram de Fritznel Richard
La victime décédée en raison du froid, Fritznel Richard.

Mme Filius a, en quelque sorte, assisté au drame en direct, puisque son époux l’a contactée au téléphone aussitôt qu’il a été expulsé de la voiture du passeur, près de Saint-Bernard-de-Lacolle, en Montérégie, dans la soirée du 23 décembre dernier. 

«Je lui ai dit d’appeler la police, mais il ne l’a pas fait, et il a tenté quand même de franchir la frontière à pied», explique-t-elle.  

«C’est très triste. C’est tellement tragique», affirme-t-elle, dévastée, la voix défaite par l’émotion.  

Trois jours sans nouvelles

Nous l’avons rencontrée sur la côte ouest de la Floride, où elle est hébergée chez des proches. À sa demande, nous ne préciserons pas la ville où elle se trouve pour des raisons de sécurité. 

Pour elle, il est clair que le passeur a mis la vie de son mari en péril à cause des conditions hivernales extrêmes. La tempête du 23 décembre dernier a été marquée par de fortes chutes de neige et des vents puissants. 

M. Richard a été repéré, sans vie, à quelques pas de la frontière, du côté canadien, par un hélicoptère des autorités américaines, à la fin de la semaine dernière. 

Sa disparition avait été signalée le 26 décembre par Mme Filius, trois jours après que celle-ci eut perdu contact avec lui. Selon la Sûreté du Québec, tout indique qu’il est mort d’hypothermie. 

Le migrant tentait d’entrer illégalement aux États-Unis pour aller retrouver sa femme et son petit garçon en Floride. 

Il avait séjourné plusieurs mois à Montréal, après être arrivé au pays par le chemin Roxham, en provenance des États-Unis. Il essayait d’obtenir un statut de réfugié au Canada.  

Aidée par le même passeur

Mme Filius connaît bien le passeur auquel son mari a eu recours. En octobre, elle a utilisé ses services depuis Montréal pour franchir la frontière américaine. Elle a eu plus de chance puisque tout s’est déroulé sans anicroche.

Il lui a suffi de marcher une dizaine de minutes dans le bois à partir du point où elle a été déposée par le passeur pour se retrouver aux États-Unis. Une fois passée, elle a appelé un taxi qui l’a conduite à la gare d’autobus de Plattsburgh. 

Par contre, la facture était salée : 1300 $ pour un trajet d’à peine 45 minutes entre Montréal et la frontière. 

Elle a obtenu les coordonnées du passeur au hasard d’une conversation avec d’autres migrants.  

Malgré nos tentatives, il a été impossible de parler avec le passeur en question. 

– Avec la collaboration de Jonathan Tremblay et de Camille Payant

 

NOMBRE DE PERSONNES INTERPELLÉES EN 2022 PAR LES AGENTS FRONTALIERS AMÉRICAINS :

  • Janvier : 24
  • Avril : 84
  • Juillet : 142
  • Septembre : 236
  • Novembre : 393

«Nous n’avions pas d’argent»

Guenda Filius vit actuellement entourée des siens et de son petit garçon de 19 mois, dont Fritznel Richard était le père, dans une modeste maison floridienne, près d’un centre commercial achalandé. 

Elle confie qu’elle n’a jamais pu se faire à la vie au Québec, où elle n’aura passé que quelques mois après être arrivée, comme son mari, au pays par le chemin Roxham. 

Rencontrée en Floride où elle réside présentement, Guenda Filius pleure son mari, qui aurait été abandonné par un passeur.
Photo Jules Richer
Rencontrée en Floride où elle réside présentement, Guenda Filius pleure son mari, qui aurait été abandonné par un passeur.

«Nous n’avions pas d’argent. Il faisait froid et je suis tombée malade», dit-elle pour expliquer son désir de revenir aux États-Unis.  

Pas de permis de travail

Elle et son mari souhaitaient travailler à Montréal pour améliorer leur sort en attendant l’obtention éventuelle d’un statut de réfugié. 

Toutefois, ils n’ont jamais pu obtenir de permis de travail, à cause des retards administratifs qui existent actuellement chez Immigration Canada.  

Rappelons que les demandeurs du statut de réfugié ne peuvent pas faire une demande au Canada s’ils arrivent des États-Unis et vice versa, en vertu de « l’entente sur les tiers pays sûrs », signée par les deux pays. 


Entre août et novembre dernier, 54 migrants d’origine haïtienne ont été interpellés par le service des douanes américaines en provenance du Canada.

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