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Les énormes défis du futur PDG d'Hydro-Québec

Il ou elle devra concilier les demandes pressantes du gouvernement avec ses responsabilités à l’égard des clients

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Photo tirée du site internet de l’Assemblée nationale du Québec Lors d’un point de presse à l’Assemblée nationale, hier, le premier ministre Legault a exposé sa vision des choses au sujet de l’après Sophie Brochu chez Hydro-Québec.

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Des défis énormes attendent le successeur de Sophie Brochu. Les principaux consommateurs d’Hydro estiment qu’il ou elle devra posséder plusieurs qualités pour passer à travers la tempête.

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«Je cherche quelqu’un qui va être en mode développement, car il faut augmenter de 50 % la capacité d’Hydro-Québec. Il faut quelqu’un capable de travailler en équipe et qui a déjà géré des grandes entreprises», affirmait hier le premier ministre François Legault en conférence de presse. 

Le ministre de l’Énergie Pierre Fitzgibbon a quant à lui placé la barre haut. 

Gros bagage de connaissances

«Quand on regarde ce qui se passe dans le monde, le contexte énergétique est probablement ce qui va définir les gagnants et les perdants dans les communautés, donc ça prend quelqu’un qui connaît toute la panoplie des énergies renouvelables», a-t-il dit.

La PDG d'Hydro-Québec, Sophie Brochu, a annoncé sa démission mardi.
Photo d'archives Agence QMI, Mario Beauregard
La PDG d'Hydro-Québec, Sophie Brochu, a annoncé sa démission mardi.

Mais ce profil n’est pas nécessairement celui recherché par les consommateurs d’Hydro-Québec, les principaux intéressés dans ce changement de garde. 

«Ça prend quelqu’un qui connaît le milieu de l’électricité et surtout, un bon pédagogue, capable d’expliquer au gouvernement tous les tenants et aboutissants d’un problème. Et pas seulement un ami du pouvoir qui est bon gestionnaire, mais qui ne connaît pas grand-chose à l’électricité», dit Jean-Pierre Finet, qui est analyste au Regroupement des organismes environnementaux en énergie. 

Plus de transparence

«Cette personne-là devra se commettre à la transparence. Elle doit accepter d’être challengée et accepter de répondre aux questions des Québécois. C’est comme ça qu’on va convaincre la population d’embarquer dans des projets», dit pour sa part Jocelyn B. Allard, président de l’Association québécoise des consommateurs industriels d’électricité (AQCIE).

Il donne en exemple les contrats d’exportations d’Hydro aux États-Unis. 

«Si tu me dis qu’il n’y a plus assez d’électricité et qu’on doit maintenant la payer plus cher, pourquoi alors tu en vends autant aux Américains ? Et pourquoi tu ne me donnes pas les détails de ces ententes à long terme?» dit-il. 

La personne responsable devra aussi être sensible à la réalité des commerces et des industries, et comprendre que les tarifs d’électricité impactent directement la compétitivité de nos entreprises, ajoute-t-il. 

«Elle doit garder à vue que l’électricité propre, c’est notre atout principal.»

Des hausses injustifiées

Option consommateurs souhaiterait pour sa part que le successeur redonne à la Régie de l’énergie le pouvoir de fixer les tarifs des consommateurs. 

La loi 34, qui fixe depuis 2019 les tarifs en fonction de l’inflation, ne fait qu’appauvrir les Québécois, qui se trouvent à payer plus cher que lorsque la Régie avait ce pouvoir, dit l’organisme. D’autant plus que les fortes hausses (6,4 %) imposées aux petites et moyennes entreprises (PME) vont ultimement se répercuter sur les prix payés par les consommateurs.

«On dit vouloir protéger les ménages québécois contre l’inflation, mais en fin de compte, ce seront les consommateurs qui devront assumer ces hausses», déplore Sylvie De Bellefeuille, conseillère budgétaire et juridique.  

Décarboner Montréal

Pour Jean-Pierre Finet, le premier dossier auquel devrait s’attaquer le nouveau grand patron est la décarbonation et augmenter les économies d’énergie. 

«Hydro investit à peine 0,5 % de ses ventes dans l’économie d’énergie. Ce n’est pas assez ambitieux», dit-il. Il cite en exemple la Ville de Montréal, qui souhaite décarboner ses bâtiments. « Mais Hydro est réticente et freine ce développement. Ça prend plus de vision et d’ambition. »

– Avec la collaboration de Louis Deschênes et de l’Agence QMI 

QUATRE DÉFIS POUR LE SUCCESSEUR DE SOPHIE BROCHU 

1. Trouver plus d’électricité

Alors qu’en 2021 Hydro-Québec jugeait toujours qu’elle avait d’importants surplus, quelques mois plus tard son plan stratégique faisait état d’un manque de 100 TWh pour atteindre la carboneutralité d’ici 2050. C’est une hausse de 50 % par rapport à la capacité actuelle de production d’Hydro-Québec. Un nouveau barrage ? C’est, au mieux, une solution de long terme. Les Québécois payeront-ils par une « sobriété énergétique » cet écart de prévision ? 

2. Améliorer la fiabilité du réseau

Les dernières fêtes nous ont rappelé à quel point les installations d’Hydro manquent d’amour et deviennent carrément dangereuses lors de forts vents. La vérificatrice générale a d’ailleurs souligné en début décembre la piètre fiabilité du service offert par Hydro-Québec. Les pannes d’électricité se multiplient et durent de plus en plus longtemps, déplore-t-elle. La société d’État devra elle-même devenir plus « sobre » afin de dégager des sommes pour mettre à jour ses installations.  

3. Clarifier et consolider la stratégie d’exportation

Où figurera l’achat des 13 centrales hydroélectriques de l’américaine Great River Hydro, en Nouvelle-Angleterre, au coût de 2 milliards $ US (environ 2,7 milliards $ CA) dans la stratégie du successeur de Sophie Brochu ? Vise-t-on d’autres acquisitions du genre ? Alors que le Québec manque maintenant d’électricité pour combler ses besoins, Hydro-Québec va-t-elle continuer à dépenser des millions en frais d’avocat pour obtenir le droit de vendre son électricité aux États-Unis, au lieu d’utiliser ici cet « or bleu » ? 

4. Arbitrer les nombreuses demandes pour l’électricité 

« Il n’a jamais été question que le Québec soit le Dollarama (de l’électricité), mais il y a des opportunités de créer de la richesse et d’apporter des revenus à l’État », a dit le premier ministre François Legault mercredi en point de presse. « Beaucoup d’entreprises, dont plusieurs québécoises, ont des projets de développement qui demandent de l’énergie propre. Il faut être capable d’additionner les profits qu’on fait chez Hydro avec des entrées additionnelles de revenus », a-t-il ajouté. Entre l’électrification des transports, la décarbonation des bâtiments, l’électricité à bas prix pour attirer des entreprises, les exportations... quelle sera la priorité ? Comment se fera l’arbitrage entre tous ces usages ? Quant aux consommateurs résidentiels, passeront-ils en dernier, après les différents lobbys ?  

DES CANDIDATS POSSIBLES 

Jean-François Béland

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Photo tirée du site web du Ministère des Ressources naturelles et de l'Énergie du Québec

Vice-président, Ressources Québec à Investissement Québec. 

Claudine Bouchard

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Photo tirée du site web d'Hydro-Québec

Cheffe des infrastructures chez Hydro. 

Éric Filion

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Photo fournie par Hydro-Québec,

Chef de l’exploitation chez Hydro. 

David Murray

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Photo d’archives, Ben Pelosse

Ancien bras droit d’Éric Martel, maintenant chez Bombardier.  

André Boulanger

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Photo tirée du site web de l’Institut du cancer de Montréal

Ancien d’Hydro-Québec, membre du conseil d’administration de l’Institut du cancer de Montréal. 

Éric Lachance

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Photo tirée de energir.com

Actuel PDG d’Énergir. 

Stéphanie Trudeau

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Photo tirée de energir.com

V.-p. exécutive chez Énergir 

Martin Imbleau

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Photo tirée de LinkedIn

Ancien d’Énergir et d’Hydro qui dirige actuellement le port de Montréal.


Expertise en matière de chasse aux faisans : un atout 

Le chef parlementaire de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, y est allé, hier, d’un trait d’humour au sujet des qualités que devrait avoir le futur grand patron d’Hydro-Québec.

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Photo d’archives, Chantal Poirier

« Offre d’emploi : PDG d’Hydro-Québec. Compétences recherchées : respect de l’autorité ministérielle, expérience de chasse aux faisans un atout. », a écrit le député de Gouin, sur Twitter. 

M. Nadeau-Dubois faisait, bien sûr, référence aux rumeurs de relations acrimonieuses entre Pierre Fitzgibbon et Sophie Brochu ainsi qu’aux désormais célèbres chasses aux faisans qu’apprécie beaucoup le très influent ministre. 

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