Tourner la page sur Julien Lacroix
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Plusieurs lecteurs m’ont écrit, après le passage de Julien Lacroix à l’émission Le monde à l’envers à TVA, pour me demander si mon opinion sur l’humoriste avait changé.
Or, mon opinion n’a jamais porté sur Julien Lacroix lui-même, mais sur un principe : celui de la présomption d’innocence dans un État de droit.
Et dans ce dossier, l’entrevue de vendredi soir n’a fait que me confirmer dans mes convictions : jamais le tribunal populaire ne remplacera le système de justice.
- Écoutez la rencontre Nantel-Durocher diffusée chaque jour en direct 15 h via QUB radio :
ELLE DIT, IL DIT
Avant, pendant et après l’entrevue de Julien Lacroix avec Stéphan Bureau, les médias sociaux se sont déchaînés. Tout le monde avait une opinion sur la culpabilité ou pas de Lacroix, sur son droit ou pas à une deuxième chance, sur la crédibilité ou pas de ses accusatrices.
«Je le crois, lui !», s’époumonaient les uns. «Je les crois, elles !», s’époumonaient les autres. Comme Néron mettant son pouce en l’air ou son pouce vers le bas dans une arène de gladiateurs.
Or, les téléspectateurs n’étaient pas conviés à un procès. Personne ne leur demandait d’être membre du jury au Palais de justice cathodique.
Lacroix a eu droit à une tribune pour parler de l’impact humain des enquêtes journalistiques.
«C’est beau, on avait soif de sang, on avait soif de noms, on voulait que les têtes roulent, on voulait un spectacle, mais pour beaucoup de gens, dont moi, ce spectacle-là, c’est ma vie», a dit Julien Lacroix, ébranlé, à Stéphan Bureau.
Dans mes chroniques et à la radio, je n’ai jamais «défendu» un individu. J’ai toujours défendu une certaine conception de la justice.
Au risque de me répéter, je vais réitérer ceci : la seule façon de clore définitivement le dossier Lacroix, c’est que les accusatrices déposent des plaintes sur lesquelles la police pourra faire son enquête. Que le DPCP dépose des accusations. Que les parties aient l’occasion de présenter des preuves en Cour. Que l’accusé ait droit à une défense pleine et entière et un procès juste et équitable. Que les plaignantes aient l’occasion de présenter leur version des faits. Et qu’un juge donne son verdict.
En dehors de ça, tout le reste ne sera que suppositions, ragots, rumeurs et jugement hâtif.
- Écoutez l’entrevue de Julien Lacroix à l’émission Le monde à l’envers en balado via QUB radio :
ET MAINTENANT ?
La question qui se pose maintenant est la suivante : l’humoriste pourra-t-il aller de l’avant et tourner la page, comme il le souhaite?
Tant qu’il n’a pas été condamné par une Cour, je ne vois pas pourquoi il devrait recevoir une sentence de mort professionnelle, d’exil intérieur ou de boycottage.
Ceux qui ont un «malaise» face à la simple présence de Lacroix dans la même pièce qu’eux n’ont qu’à l’éviter. Mais au nom de quoi l’empêcheraient-ils d’exercer son métier devant un public qui veut l’entendre?
Alors que les vrais condamnés, ceux qui ont purgé leur vraie peine et qui ont «remboursé leur dette à la société» ont droit à des programmes de réinsertion, Lacroix serait traité en paria?
Quelle drôle de société qui traite moins durement ceux qui ont été trouvés coupables en bonne et due forme que ceux qui n’ont jamais eu la chance de se défendre en bonne et due forme.
C’est... le monde à l’envers.