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Vaccin contre la COVID-19: sa carrière compromise après une rare complication

Un athlète conteste la décision de Québec de ne pas l’indemniser

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Un jeune joueur de baseball d’élite qui a souffert de problèmes cardiaques à la suite d’un vaccin contre la COVID-19 conteste la décision de Québec de ne pas l’indemniser, même si sa carrière a été compromise. 

«Depuis la vaccination, je ne suis plus la même personne. Toute ma vie, c’était le baseball. Du jour au lendemain, j’ai tout perdu», confie Anthony Moniz Kingsbury, un joueur de baseball qui rêvait d’évoluer au niveau professionnel.  

Le sportif fait partie des sept Québécois qui depuis deux ans contestent la décision du ministère de la Santé de ne pas les dédommager à la suite d’un vaccin contre la COVID-19.  

Selon Santé Canada, à peine 0,011 % des 95 millions de doses de vaccin ont mené au rapport d’effets cliniques inhabituels graves comme ceux observés chez le joueur.

  • Écoutez l'entrevue avec Anthony Moniz Kingsbury et Benoit Barbeau, virologue à l’émission de Richard Martineau diffusée chaque jour en direct 9 h 05 via QUB radio :

À bout de souffle  

Le Gatinois de 21 ans a reçu sa première dose en octobre 2021. Même s’il était réticent à la vaccination, il a reçu le produit de Moderna afin de conserver son emploi de fonctionnaire au Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.  

«Peu après avoir reçu le vaccin, je n’étais même plus capable de monter l’épicerie. Je n’avais plus de souffle», relate le lanceur grand format de 6 pi 2 po et 215 lb. 

Il assure ne jamais avoir eu de problèmes cardiaques auparavant.  

Quelques semaines plus tard, il s’est rendu à l’hôpital de Papineau. Un médecin a alors conclu à une myopéricardite – une inflammation du cœur – probablement causée par la vaccination, un phénomène rare (voir l’encadré ci-bas). 

Douleurs au thorax, palpitations et difficultés à respirer étaient au nombre des symptômes recensés dans son rapport médical.  

Pendant un peu plus de 6 mois, Anthony Moniz Kingsbury a été incapable de s’entraîner en raison d’essoufflements.  

«Je n’étais pas le prochain Éric Gagné. Mais je m’enlignais possiblement pour jouer dans une équipe professionnelle d’une ligue indépendante, pour mieux me faire connaître», relate-t-il. 

Il souligne aller beaucoup mieux, sans pour autant se sentir comme avant son vaccin.  

S’il avait été en santé, le joueur de baseball estime qu’il aurait pu recevoir une bourse de dizaines de milliers de dollars pour évoluer dans une équipe universitaire américaine. C’était d’ailleurs le cas avant la pandémie.  

Pertes d’opportunités 

Le lanceur droitier conteste maintenant le refus de Québec de l’indemniser. Il juge avoir perdu des opportunités intéressantes de progresser en raison de ses problèmes de santé, tant sur le plan sportif qu’académique.  

Dans une lettre que nous avons consultée, le ministère de la Santé ne conteste pas les problèmes de santé d’Anthony Moniz Kingsbury, mais remet en doute le caractère «permanent» de sa blessure. C’est l’une des conditions pour être indemnisé.  

«Je ne comprends pas comment le gouvernement peut être si convaincu que certaines des séquelles ne seront pas permanentes», affirme celui dont l’audience de contestation au Tribunal administratif du Québec est prévue en mars.  

– Avec François-David Rouleau, Benoît Rioux et Camille Payant 

D’autres patients contestent  

Au moins sept personnes vaccinées contre la COVID-19 contestent le refus de Québec de les indemniser, se disant insatisfaites de la décision de la Santé.

C’est ce qu’indiquent des dossiers d’indemnisation du Tribunal administratif du Québec (TAQ), obtenus par notre Bureau d’enquête grâce à la Loi sur l’accès aux documents publics. Les dossiers ont été anonymisés afin de protéger l’identité des requérants. 

Dans la majorité des cas, Québec ne remet pas en question les conséquences possibles de la vaccination, mais plutôt la permanence des séquelles. 

C’est notamment le cas d’une femme qui indique avoir été victime d’une myocardite à la suite de sa vaccination contre la COVID-19. Elle précise avoir alors ressenti une accélération de son rythme cardiaque, une oppression au thorax ainsi que des engourdissements à l’extrémité de ses membres. Toujours selon sa requête, elle doit prendre des médicaments pour gérer ses symptômes.  

Préposé aux bénéficiaires  

Un homme indique être incapable de lever le bras depuis plus d’un an à la suite de sa vaccination. Selon ses écrits, il était préposé aux bénéficiaires dans un CHSLD. Dans un cas similaire, une femme dit souffrir d’une limitation à l’épaule gauche depuis qu’elle a reçu, en avril 2021, le vaccin d’AstraZeneca.  

Dans tous ces cas, il n’a pas été possible de consulter les dossiers médicaux qui appuyaient les réclamations.  

Depuis le début du Programme d’indemnisation des victimes d’une vaccination en 1988, 83 personnes ont fait appel de la décision de Québec à la suite du refus de leur accorder une compensation financière, selon des données du ministère de la Santé datant de mars 2022. 

Les requérants qui essuient un refus disposent de 60 jours pour porter leur cause en appel devant le TAQ.   

LES INDEMNISATIONS À LA SUITE D’UN VACCIN ANTI-COVID-19*
(en date du 8 juin 2022) 

Nombre de demandes d’indemnisation reçues : 160

Nombre de demandes traitées : 74 

Nombre de vaccinés indemnisés : 1 

*Le ministère de la Santé a refusé d’offrir des données plus récentes, indiquant que les données « fragmentaires » n’étaient plus disponibles, contrairement à juin dernier. Source : ministère de la Santé 

De faibles risques avec les vaccins 

Les risques d’inflammation du cœur à la suite d’un vaccin sont passablement faibles et les cas se résorbent très souvent rapidement.

«C’est une complication qui est connue, mais qui est relativement rare, surtout compte tenu du nombre de doses [contre la COVID-19] qui ont été administrées», a indiqué Caroline Quach-Thanh, pédiatre et microbiologiste-infectiologue à l’hôpital Sainte-Justine. 

Selon les données du gouvernement canadien, une myocardite ou une péricardite survient 1,21 fois par tranche de 100 000 doses anti-COVID-19 administrées. Cette complication est un peu plus commune pour le vaccin de Moderna (1,70 par 100 000 doses) que pour le vaccin de Pfizer (1,14 fois par 100 000 doses).  

«On sait que les jeunes hommes de moins de 30 ans ont plus de risques de développer cette complication-là, et que les risques sont plus élevés à la suite d’un vaccin de Moderna que de Pfizer», a précisé la Dre Quach-Thanh, qui souligne qu’une telle complication peut également survenir si l’on contracte la COVID-19, quel que soit l’âge.  

Changement demandé

En décembre 2021, le Comité sur l’immunisation du Québec avait d’ailleurs recommandé qu’on cesse l’administration du vaccin Moderna aux jeunes de moins de 30 ans, en raison des risques plus élevés de myocardite ou de péricardite dans cette population.  

«De façon générale, quand c’est post-vaccination, [la myopéricardite] est de courte durée, soit quelques semaines ou des mois. Pour la très grande majorité des gens, ça rentre dans l’ordre», a-t-elle ajouté.  

EN BREF, POUR TOUS LES TYPES DE VACCINS
(en date du 31 mars 2022) 

  • Nombre de demandes soumises depuis 1988 : 410 
  • Nombres de demandes d’indemnisation acceptées : 56 
  • Total des indemnisations versées : 7,9 millions $ 
  • Moyenne des indemnisations par victime : 140 232 $

*Données pour l’ensemble des vaccins administrés au Québec. Source : ministère de la Santé

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