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Les buveurs d’alcool entre le choc et le déni

De nouvelles directives strictes sont remises en question, mais on consomme quand même trop au Québec

Fournie par Pierre Le Saint, article consommation alcool
Photo Fournie par Pierre Le Saint Pierre Le Saint, un ancien barman de Montréal, dans sa cuisine, verre à la main, boit à notre santé.

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Des Québécois titubent encore entre le choc et le déni face aux nouvelles recommandations sur la consommation d’alcool, qui ont soulevé les passions toute la semaine. Pour plusieurs, dont un cardiologue, c’est exagéré, même s’ils croient que la province boit trop. 

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« Au Québec, on boit trop et on banalise l’alcool », lance le cardiologue Martin Juneau.

Cela dit, il n’endosse pas les recommandations émises cette semaine par le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances (CCDUS), affirmant qu’aucune quantité d’alcool n’est sécuritaire.

« Il y a un biais chez ce groupe. Ils montrent les aspects négatifs de l’alcool sans les nuancer », déplore le directeur de l’Observatoire de la prévention de l’Institut de cardiologie de Montréal. 

Moins de trois verres par semaine présenteraient un risque faible, dit le CCDUS. Une baisse radicale par rapport aux recommandations d’Éduc’Alcool, qui chiffrait la modération à 10 verres pour les femmes et 15 pour les hommes. En France et en Australie, on recommande 10 verres par semaine, par exemple, mais les Pays-Bas plaident pour l’abstinence.

Le Dr Juneau estime qu’un verre d’alcool, de préférence de vin avec le repas, pour les femmes, deux pour les hommes, est sécuritaire et même bénéfique contre les infarctus du myocarde.

Pour le cardiologue, les Québécois doivent « individualiser » leurs risques. S’il y a eu des cancers du côlon dans votre famille, par exemple, mieux vaut être encore plus prudent avec l’alcool, un cancérigène du système digestif.

« C’est cyclique »

« Ça m’a plutôt amusé avec mes yeux de chercheuse », affirme Caroline Robert, doctorante en histoire à l’UQAM en régulation sociale et morale de l’alcool, à propos de la colère populaire face aux recommandations plus restrictives.

« C’est cyclique que deux visions s’opposent, ceux qui applaudissent [plus de restrictions] et ceux qui crient à la prohibition », poursuit-elle.

« C’est confrontant, admet la psychologue Geneviève Beaulieu-Pelletier. [...] C’est plus facile de discréditer la validité des recommandations que de se remettre en question. »

Elle remarque que l’alcool, particulièrement le vin, est bien vu socialement, que ce soit comme récompense après une grosse journée ou comme cadeau chez des hôtes.

Diminuer avant d’arrêter

« La science dit qu’on doit diminuer, pas arrêter », souligne Marianne Dessureault, porte-parole en matière d’alcool à l’Association pour la santé publique du Québec.

Si la nouvelle a surpris, voire secoué les Québécois, elle ne sort pas de nulle part, dit-elle. Plusieurs pays revoient à la baisse leurs recommandations.

« Quand la poussière sera retombée, des gens se diront peut-être : j’aime mieux être au courant et prendre mes décisions de manière éclairée », croit-elle, ajoutant qu’une quantité énorme de publicités pour l’alcool fait aussi pression sur les Québécois.

Pour sa part, Éduc’alcool a dit prendre acte des nouveaux Repères canadiens sur l’alcool et fera évoluer ses campagnes de prévention. 

ÇA DIT QUOI, LES NOUVELLES DIRECTIVES ?

Pour chaque semaine 

  • Risque faible: 2 verres ou moins
  • Risque modéré: 3 à 6 verres
  • Risque élevé: 7 verres et plus 

Un verre c’est :

 

  • Un verre de vin
    (5 oz, 142 ml, 12 % d’alcool) 
  • Une bouteille de cidre
    (12 oz, 341 ml, 5 % d’alcool) 
  • Une bouteille de bière
    (12 oz, 341 ml, 5 % d’alcool) 
  • Un verre de spiritueux
    (1,5 oz, 43 ml, 40 % d’alcool) 

Les conséquences

L’alcool peut entraîner certaines maladies cardiovasculaires, des cancers, mais aussi des blessures accidentelles, des actes de violence. 

Source : Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances 


Aucune baisse de popularité 

Pas d’inquiétude à l’horizon pour les producteurs de vin et les détaillants de produits alcoolisés spécialisés, qui observent toutefois une nouvelle tangente chez les consommateurs. 

« On pense que ça poussera certains consommateurs à boire moins, mais mieux », estime Simon Naud, vigneron propriétaire du Domaine de la Bauge en Estrie.

D’autant plus qu’un intérêt grandissant pour les vins locaux se fait sentir.

« C’est toute une industrie qui se développe depuis 15-20 ans, ce serait dommage de venir sabrer ça », commente Normand Guénette, propriétaire du vignoble Le Chat Botté en Montérégie.

Le propriétaire de la boutique Tite Frette sur la rue Sainte-Catherine remarque quant à lui qu’un changement s’opère tranquillement.

« Ce n’est pas demain que les gens cesseront de boire, mais il y en a beaucoup qui alternent déjà entre des bières de microbrasseries alcoolisées et désalcoolisées », explique Mathieu Morand.

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