L’accusé voulait éviter des canards: la réalité a récemment rejoint la fiction dans «Indéfendable»
Scénariste pour la série télévisée, l’avocat s’est largement inspiré de sa cause
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Si les amateurs de la série Indéfendable ont eu un sentiment de déjà vu en voyant la récente cause d’Éric Rondeau, cet automobiliste accusé d’avoir tué un motocycliste en voulant sauver des petits canards, ils n’ont pas tort. L’avocat de la défense, scénariste pour la série télévisée, s’en est inspiré et il ne s’en cache pas.
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En octobre dernier, ceux qui ont suivi la quotidienne judiciaire ont pu découvrir l’histoire d’une dame qui subit son procès devant jury pour avoir causé la mort d’une motocycliste de 19 ans parce qu’elle a voulu éviter d’écraser une famille de bernaches qui traversait la route. C’est en empiétant sur la voie inverse pour contourner les oiseaux qu’elle a causé la collision mortelle.
Trois mois plus tard, s’est ouvert au palais de justice de Joliette le procès devant jury d’Éric Rondeau, qui a lui aussi causé la mort d’un jeune motocycliste de 19 ans. Ce n’est pas une maman bernache et ses petits qu’il a tenté d’épargner, mais bien une famille de canards. Or, à quelques détails près, le scénario joué par des acteurs dans la série télé est pareil au drame dans lequel Éric Rondeau a été impliqué.
Inspiration
«Presque toutes les causes d’Indéfendable sont tirées de vrais cas», a indiqué en entrevue Me Richard Dubé, qui représente M. Rondeau.
Le criminaliste est l’idéateur et un des auteurs de la série télé. Et il a choisi de faire vivre à ses personnages une intrigue inspirée d’un des dossiers qu’il tentait alors de défendre.
«Il y a déjà eu une cause avec des canards qui a marqué l’imaginaire (une jeune femme qui s’est immobilisée sur l’autoroute 30). Et là, on a une deuxième cause, qui frappe les gens», a-t-il expliqué.
Me Dubé trouve important de rapporter ce genre d’histoire dans Indéfendable afin de démystifier la réalité des tribunaux.
«On veut montrer la vraie vie, les causes qu’on retrouve. Ce ne sont pas toujours des criminels dangereux. Il y a souvent des gens ordinaires, arrêtés pour quelque chose qu’ils ont fait de façon inattendue, sans trop réfléchir ou par accident», a-t-il expliqué.
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Réalité des avocats
Selon lui, la cause de son client est «un flagrant» accident : «N’importe qui peut se retrouver dans la situation de M. Rondeau. Qui n’a pas déjà freiné d’urgence parce qu’un animal traversait devant l’auto?» a-t-il dit.
Les jurés au procès n’ont pas été en accord avec lui : ils ont reconnu Éric Rondeau coupable hier, après deux jours de délibérations.
La série, qui scrute le quotidien des avocats de la défense, aborde aussi les stratégies à aborder pour maximiser les chances de gagner une cause. Dans les épisodes consacrés à la cause des oiseaux, l’avocate Marie-Anne, personnifiée par l’actrice Anne-Élisabeth Bossé, se questionne longuement à savoir si elle doit privilégier un procès devant juge seul ou devant jury. Elle finit par choisir la deuxième option, expliquant à sa cliente que ce sera favorable pour sa cause.
Dans la vraie vie, Me Dubé a aussi eu à prendre cette décision : «C’est voulu d’être allé devant jury. On se dit que les gens [qui forment le jury] vont comprendre, ils peuvent se mettre à la place de l’accusé», a-t-il expliqué, ajoutant que c’est lui qui a trouvé les causes présentées dans la série et qui a écrit les dialogues entourant les procédures, soit entre les avocats, avec un client ou avec un juge.
Il assure que son client a vu les émissions inspirées de son histoire... et plusieurs policiers affectés à la cause aussi.
«On m’en a pas mal parlé», a-t-il lancé.
Similitudes
Toutefois, puisqu’au moment de la diffusion des émissions, le procès n’avait pas encore eu lieu, quelques paramètres ont été changés, a-t-il insisté.
Mais mis à part quelques détails, comme le sexe de l’accusé et de la victime, la sorte d’oiseaux en cause et la configuration de la route, de nombreuses similitudes demeurent.
L’accusée dans la série, comme M. Rondeau, s’est défendue en disant qu’au moment de la manœuvre dangereuse, son attention était portée sur son rétroviseur pour éviter une collision avec des voitures qui circulaient vite derrière elle. Autre ressemblance : le personnage fictif a aussi aperçu trop tard la motocycliste qui arrivait en sens inverse et a aussi tenté de rejeter la faute sur la témérité de la victime qui roulait vite et qui avait effectué des dépassements illégaux juste avant la collision.
Et dans l’émission, l’accusée est reconnue coupable par ses pairs. Ce n’est pas le scénario que Me Dubé espérait pour la vraie vie...