Les «vieux proprios» saignés à blanc par les municipalités
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À la suite de ma chronique Il faut plafonner les hausses de taxes municipales, où j’invitais la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, et sa collègue, France-Élaine Duranceau, ministre de l’Habitation, à déposer au plus sacrant un projet de loi à cette fin, beaucoup de propriétaires m’ont fait part de leur grande inquiétude devant cet autre coup de massue sur leurs finances personnelles.
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Avec l’entrée en vigueur du nouveau rôle d’évaluation foncière 2023-2024-2025, des milliers et des milliers de propriétaires de longue date ont vu leurs comptes de taxes municipales littéralement exploser, du genre de 10, 15, 20, 25, 30 %.
À cause de ces ahurissantes augmentations de taxes municipales, le monde municipal est en train de récupérer à ses propres fins une grande portion de l’aide financière ponctuelle que le gouvernement Legault a récemment versée aux ménages québécois pour les aider financièrement en cette période d’augmentation du coût de la vie.
Explication
Les proprios aux prises avec de fortes hausses de taxes municipales sont sans doute victimes d’une plus forte augmentation de la valeur foncière de leur propriété par rapport à l’augmentation moyenne de l’ensemble des propriétés incluses dans le nouveau rôle triennal de leur municipalité ou ville.
C’est cette disparité qui explique pourquoi ces proprios sont victimes d’une hausse de taxes municipales nettement supérieure à la hausse moyenne rapportée par leur conseil municipal.
Si la valeur des propriétés dans votre ville augmente de 50 % entre l’ancien et le nouveau rôle et que la ville baisse cette année son taux de taxes de 33,3 %, la facture du compte de taxes municipales sera identique à l’année précédente.
Valeur imposable en 2022 de 300 000 $, à un taux de taxes de 1,00 $ du 100 $ d’évaluation, égale 3000 $ de taxes.
Valeur de 450 000 $ (+ 50 %) en 2023, à un taux de taxes de 0,667 $ du 100 $ d’évaluation (- 33,3 %), égale 3000 $ de taxes.
Mais si la valeur au rôle de votre propriété augmente de 70 %, au lieu de 50 % comme dans l’ensemble de la ville, vous subirez alors une hausse de taxes de 13,4 %.
Valeur imposable de 510 000 $ (+ 70 %), à un taux de taxes de 0,667 % du 100 $ d’évaluation, égale 3401,70 $ de taxes (+ 13,4 %)
La source du problème...
Pourquoi le prix des propriétés a-t-il fortement augmenté depuis le précédent rôle d’évaluation foncière triennal 2020-2022?
Parce que bien du monde s’est notamment rempli les poches avec l’escalade des prix dans l’immobilier résidentiel, soit les producteurs/fournisseurs/distributeurs de matériaux de construction; les développeurs immobiliers; les constructeurs d’habitation; les constructeurs d’infrastructures municipales; les courtiers immobiliers; les malins spéculateurs immobiliers; etc.
En conséquence, cela a généré une flambée des coûts. Comme la demande (le nombre d’acquéreurs potentiels) pour acheter une maison était forte en raison de la pandémie de la COVID-19, les prix dans le marché résidentiel se sont emballés. Au point où, par moments, les prix offerts par les acheteurs dépassaient les prix demandés par les vendeurs!
Le fait que des acheteurs se soient fait exploiter en payant vraiment trop cher leurs nouvelles propriétés, et qu’ils aient fait bondir la valeur foncière des terrains et des maisons dans un coin de la municipalité, cela a considérablement nui aux proprios voisins qui détiennent leurs propriétés depuis plusieurs années et qui n’ont pas l’intention de vendre.
Au moment de la confection d’un nouveau rôle, l’évaluation foncière des propriétés est tributaire de la valeur marchande de celles des voisins.
Si l’augmentation de la valeur marchande sur votre rue est supérieure à l’augmentation moyenne de la valeur marchande dans votre municipalité ou ville, vous serez financièrement pénalisé : votre augmentation de compte de taxes municipales sera inévitablement supérieure à la hausse moyenne.
Un grand nombre de «vieux» proprios, qui détiennent leur propriétés depuis 10, 20, 30 ans ou plus, sont financièrement étouffés par l’escalade de leurs comptes de taxes municipales.
Que ta propriété prenne de la valeur sur papier, cela ne t’enrichit pas pour autant au quotidien. Au contraire, avec les nouvelles hausses de taxes municipales, ils voient leurs finances personnelles se compresser davantage.
Plusieurs seront sans doute «pognés» pour vendre leurs maisons et s’en aller vivre à loyer.
... LA SOLUTION
Je crois que le gouvernement Legault doit absolument plafonner les hausses de taxes municipales, de sorte à limiter au moins les augmentations à la hausse de l’inflation, laquelle s’élevait tout de même à 6,8 % en 2022.
Idéalement, le gouvernement caquiste devrait plafonner les hausses de taxes municipales à 3,0 % par année, comme il vient de le faire pour l’ensemble des services gouvernementaux et les tarifs d’Hydro-Québec.
Les taxes scolaires pourraient faire tout aussi mal
Le dépôt du nouveau rôle triennal d’évaluation foncière a eu pour effet de générer pour nombre de propriétaires des très fortes hausses de leurs comptes de taxes municipales, soit de 10 à 30 % en 2023 par rapport à 2022.
Comme le taux actuel de la taxe scolaire est le même pour tous les propriétaires québécois, et qu’il est basé sur la valeur foncière, cela laisse présager que les proprios ayant subi de fortes augmentations de taxes municipales seront touchés de façon quasi identique par les prochains comptes de taxes scolaires 2023-2024, si le gouvernement Legault n’intervient pas.
Est-ce que le ministre des Finances, Eric Girard, entend plafonner en 2023 les hausses du compte des taxes scolaires à 3 %, comme il l’a fait pour les frais des services gouvernementaux et les tarifs d’Hydro-Québec?
Québec «analyse les options»
Réponse de son bureau. «Dès son élection en 2018, le gouvernement de la CAQ a allégé le fardeau fiscal des Québécois en harmonisant la taxe scolaire partout sur le territoire du Québec. Nous sommes sensibles à la question de l’augmentation de la taxe en fonction de l’augmentation du rôle foncier et analysons les options entourant celle-ci», de me répondre l’attachée de presse du ministre, Claudia Loupret.
Comme l’augmentation du nouveau rôle foncier varie sensiblement d’une ville à l’autre, et d’une propriété à l’autre, la «seule» option pouvant garantir aux propriétaires une hausse gouvernementale raisonnable et équitable consisterait, à mes yeux, à plafonner à 3 % la hausse des comptes de taxes scolaires de tout le monde.
Méchant casse-tête à résoudre. Quoi qu’il en soit, si François Legault et Eric Girard souhaitent que les villes et les commissions scolaires ne viennent pas bousiller l’allègement du fardeau fiscal des Québécois que le gouvernement caquiste a mis en place, ils devront plafonner les hausses de taxes scolaires et municipales.