Pourquoi les profs sont-ils massivement de gauche?
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J’ai beaucoup écrit sur le fanatisme idéologique dans nos universités et nos cégeps, surtout dans les départements de sciences humaines, d’arts et de lettres.
J’ai fait valoir que ce radicalisme n’était pas que le fait d’étudiants, mais qu’il l’était aussi de professeurs plus âgés.
Des lecteurs me demandent pourquoi ces profs – et les intellectuels en général – sont si massivement de gauche.
Des exceptions n’infirment pas ce constat indéniable.
Amertume
Un prof d’université payé 150 000 $ par année (sans les extra) avec une sécurité d’emploi absolue, de longues vacances et un généreux régime de retraite vomira souvent sur cette société capitaliste qui lui permet de vivre très confortablement. Pourquoi ?
Il dira qu’il dénonce l’exploitation et l’aliénation. Mais il y a aussi des raisons moins nobles.
Premièrement, l’intellectuel, par définition, valorise les idées. Or, la société capitaliste, par définition, valorise surtout la richesse matérielle.
Cet intellectuel voudrait être admiré, respecté, écouté, mais passe le plus souvent pour un «pelleteux de nuages», déclassé par le grand patron d’entreprise.
Bref, il n’a pas le statut social et la reconnaissance espérés, d’où sa hargne envers cette société. C’est la théorie du ressentiment et de l’amertume, brillamment exposée jadis par Robert Nozick.
Deuxièmement, cet intellectuel, prof d’université ou de cégep, douillettement protégé par le système public, placote contre un système capitaliste qu’il ne connaît que théoriquement.
Il n’a jamais fondé une entreprise, subi de concurrence commerciale, pris des risques, essuyé des pertes. Facile de jouer les gérants d’estrade quand on ne sait pas vraiment de quoi on parle.
Troisièmement, beaucoup d’intellectuels estiment – là-dessus, je leur donne raison – que le pouvoir capitaliste a besoin d’être surveillé pour tempérer ses excès.
Cette fonction critique étant indispensable, quelqu’un doit bien la remplir. Ce sera eux. Ils se portent volontaires et se donnent bonne conscience.
Pour nombre de sociologues, par exemple, la «bonne» sociologie est forcément, obligatoirement, «critique». Il ne s’agit pas seulement de comprendre le monde, mais de le transformer... selon leurs vues, évidemment.
Quatrièmement, nombre d’intellectuels de gauche finissent par devenir prisonniers de leur rôle, comme ces acteurs toujours campés dans des rôles de méchant ou de comique.
Le prof anarchiste attire des jeunes subjugués, qui boivent ses paroles comme les disciples d’un gourou. Il construit son petit réseau : assistants de recherche, revues, subventions, entrevues dans des médias complaisants, etc.
Quand tout ça est en place et fonctionne bien, vous l’imaginez changeant son fusil d’épaule? Tout s’écroulerait.
- Écoutez la chronique de Joseph Facal, chroniqueur au Journal de Montréal & au Journal de Québec au micro de Richard Martineau sur QUB radio :
Précarité
Il y a enfin une raison liée à l’explosion du nombre d’étudiants dans l’université moderne, particulièrement dans les sciences humaines.
Pour le dire brutalement, il y a peu de sélection à l’entrée et peu de débouchés à la sortie.
Cela crée toute une faune de pigistes précaires qui ne sont plus si jeunes, qui sont amers et frustrés, vivotant à coups de petits contrats, de charges de cours, d’articles dans des revues confidentielles.
Il leur est plus facile de jeter le blâme sur la société que sur eux-mêmes.