Bien avant Justin, Trudeau père a lui aussi été insulté par un président américain
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En février 2022, Donald Trump a traité Justin Trudeau de «lunatique d’extrême gauche». Selon l’ancien président américain, Trudeau détruisait le Canada avec ses mesures anti-covid. L’affaire n’est pas sans rappeler l’épisode au cours duquel Richard Nixon a déclaré en privé que le père de Justin était un «crâne d’œuf pompeux... un trou de cul». Plusieurs raisons expliquent ce ressentiment.
À l’époque, dans les années 1970, le plus gros enjeu entre les deux pays était l’économie. Ottawa trouvait que le Canada, premier partenaire commercial des États-Unis, n’était pas pris au sérieux.
Par exemple, lorsque l’ambassadeur Marcel Cadieux rencontre pour la première fois Henry Kissinger, le conseiller de Nixon pour la politique étrangère, il débarque avec une pile volumineuse de dossiers.
Kissinger le regarde, étonné, et lui lance : «J’espère que vous ne venez pas me parler de la vie sexuelle du saumon!».
Les relations empirent quand, le 15 août 1971, Nixon annonce des mesures protectionnistes, notamment une surtaxe de 10 % sur tous les produits qui entrent sur le marché américain.
Ottawa est pris de court. Il faut dire que le Canada était alors un partenaire chouchouté par les Américains, notamment en raison d’une entente de libre-échange pour l’industrie automobile.
Finalement, une visite de Trudeau à Washington le 6 décembre 1971 va sauver les meubles in extremis.
POMME DE DISCORDE
Les questions militaires constituent une autre pomme de discorde. En pleine Guerre froide, Trudeau décide alors de diminuer de moitié le nombre de soldats canadiens déployés en Europe. Nixon le voit alors comme un resquilleur comptant sur le grand frère américain pour sa défense.
Et quand Trudeau critique l’éventuel déploiement d’un système antimissile par les États-Unis, une menace à la paix mondiale selon lui, il passe en plus pour un insupportable donneur de leçon.
Le Vietnam empoisonne aussi les relations canado-américaines, et ce, pour plusieurs raisons.
Il y a d’abord des dizaines de milliers de conscrits américains qui échappent au service militaire en fuyant vers le Canada, de 50 000 à 120 000 selon les estimations. Rien pour plaire à Washington.
En 1972 les libéraux minoritaires votent avec le NPD qui présente une motion condamnant le bombardement du Nord-Vietnam par les États-Unis. La colère du président américain est d’autant plus grande qu’il a réduit l’engagement militaire de son pays et qu’il avance tant bien que mal vers la paix.
Le Canada a l’occasion de se racheter en 1973. Washington et Hanoi ont négocié un cessez-le-feu à Paris.
La Maison-Blanche voudrait que le Canada fasse partie de la commission de contrôle qui superviserait la mise en place d’un processus de paix. Ottawa accepte, mais décide ensuite de faire marche arrière, un autre camouflet pour l’Oncle Sam.
LOI DES MESURES DE GUERRE
Outre ces événements, Nixon n’aime pas Trudeau parce qu’il incarne à ses yeux la gauche caviar, car il est issu d’une famille riche.
Il lui rappelle l’ancien président John F. Kennedy. Venant d’un milieu modeste, le président républicain détestait celui-ci. Nixon pensait que les journalistes étaient biaisés en faveur de tels politiciens.
Lorsque Trudeau a recours à la loi des mesures de guerre en 1970, il écrit à un conseiller : «Tu vas voir, ils [les médias] vont défendre un de leur ami libéral».
Ce n’est qu’après la démission de Nixon que l’on comprendra l’ampleur de son aversion pour le premier ministre canadien, alors qu’un enregistrement de l’ancien président le traitant de trou de cul sera rendu public.
Trudeau prendra la chose avec philosophie.
«J’ai été traité de chose pire que ça par des gens pires que ça».