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Voici comment est né le premier carnaval d’hiver en Amérique du Nord

Sur cette photo, les membres portent la version traditionnelle des tenues des vieux trappeurs québécois et leur tuque bleue à gland.
Sur cette photo, les membres portent la version traditionnelle des tenues des vieux trappeurs québécois et leur tuque bleue à gland.

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Le Carnaval d’hiver de Montréal de 1883 fut le premier grand événement festif dans l’histoire du Canada. 

Photos musée McCord, BAnQ Rosemont–La Petite-Patrie et Archives Ville de Montréal

Avec l’intensification de l’immigration britannique au tournant du 19e siècle, on voit apparaître dans la vallée du Saint-Laurent de nouvelles habitudes sportives.

Ces nouveaux arrivants des îles britanniques créent entre autres des clubs sportifs à Montréal.

Ces associations offrent des encadrements sportifs et des privilèges réservés à leurs membres. Ces clubs seront au cœur du succès du Carnaval d’hiver de Montréal.

À cette époque, en ville, l’hiver, on pratique déjà toutes sortes de sports comme le patin sur glace, le toboggan sur les flancs du mont Royal et même le curling, mais le plus populaire est indéniablement la raquette sur neige.

RAQUETTE

Pendant les cinq éditions du Carnaval d’hiver de Montréal, les raquetteurs participent au populaire défilé nocturne.
Pendant les cinq éditions du Carnaval d’hiver de Montréal, les raquetteurs participent au populaire défilé nocturne.

La pratique récréative de la raquette sur la montagne est certainement dynamisée par le Montreal Snowshoe Club, une organisation sportive pionnière de la structure du sport dans la métropole.

Notez qu’au milieu du 19e siècle, seuls les clubs de crosse sont plus populaires que les clubs de raquetteurs.

Si chaque club avait l’habitude d’organiser ses propres rencontres sportives jusque dans les années 1880, les choses vont changer en 1882.

Robert D. McGibbon
Robert D. McGibbon

Cette année-là, un membre du fameux Montreal Snowshoe Club, Robert D. McGibbon, lance l’idée d’une semaine sportive en plein hiver, un grand rassemblement nordique où tous les clubs sportifs seraient invités à participer. La communauté d’affaires anglophone accueille quand même assez bien cette idée.

Non seulement le Carnaval d’hiver permettra aux sportifs de se rencontrer, mais il aura un impact économique positif pendant la saison froide, une période de l’année généralement bien tranquille sur le plan touristique. On se dit que la grande fête hivernale devrait être en mesure de positionner avantageusement Montréal comme destination touristique autant aux États-Unis qu’au Canada.

Il est vrai que le réseau ferroviaire, qui venait d’étendre ses tentacules entre Montréal et le reste de l’Amérique, favorisait la naissance de ce tourisme. C’est dans ce contexte-là que l’année suivante, en 1883, le premier carnaval d’hiver en Amérique du Nord est lancé par la communauté anglophone de la ville.

LA PUBLICITÉ

Cette affiche témoigne du battage publicitaire qui entoure le Carnaval d’hiver de Montréal en 1889.
Cette affiche témoigne du battage publicitaire qui entoure le Carnaval d’hiver de Montréal en 1889.

Pour attirer un maximum de visiteurs, les organisateurs créent de belles brochures et de grandes affiches, achètent de la publicité dans les journaux américains et concoctent surtout un programme d’activités vraiment original qui s’inspire entre autres des plus spectaculaires traditions nordiques.

Par exemple, on construit dès l’édition de 1883 un château avec des milliers de blocs de glace, le premier érigé depuis celui de l’impératrice Anne de Russie à Saint-Pétersbourg en 1754.

LA VILLE PREND VIE

Si au départ les festivités se déroulent principalement à proximité des clubs anglophones au parc du Mont-Royal ou au carré Dominion (aujourd’hui place du Canada), à partir de 1885, avec la participation de la communauté francophone, les activités s’étendent au Champ-de-Mars, à la place d’Armes et sur l’île Sainte-Hélène.

Match de hockey sur glace, randonnée en raquettes, marche aux flambeaux, course de traîneau, mascarade en patins et grand bal au chic hôtel Windsor ne sont que quelques exemples du programme carnavalesque proposé.

On transforme même des activités normalement pratiquées durant la saison chaude, comme des démonstrations de bicyclettes (vélocipèdes) sur skis et des matchs de crosse sur la glace, pour le plus grand plaisir des spectateurs. 

Cependant, l’activité la plus emblématique est sans l’ombre d’un doute la spectaculaire attaque du fameux palais de glace, une chorégraphie mise en scène par des clubs de raquetteurs, sous une pluie de feux d’artifice.

L’apothéose du Carnaval d’hiver de Montréal est sans aucun doute l’attaque du palais de glace.
L’apothéose du Carnaval d’hiver de Montréal est sans aucun doute l’attaque du palais de glace.

Imaginez ce spectacle éblouissant et ajoutez à ce décor des milliers de personnes bien emmitouflées pour se protéger du froid mordant, mais tout sourire, à proximité du palais de glace et d’autres lieux de rassemblement du carnaval, souvent éclairés d’ampoules électriques, une nouveauté en cette fin du 19e siècle.

Durant toute la fête hivernale, d’immenses patinoires extérieures sont aménagées sur la rive du fleuve Saint-Laurent, sur les terrains de l’Université McGill ou sur les places publiques où, à tout moment de la journée, on pouvait assister aux compétitions et participer aux activités.

MONTRÉAL, VILLE DE GLACE

Le carnaval se tient toujours au moment où le froid est le plus mordant en ville, soit à la fin de janvier ou au début de février, moment propice à la construction de châteaux de glace.

De tous les palais de glace érigés, la forteresse de l’édition de l’hiver 1885 est de loin la plus spectaculaire. 

Son architecte, Alexander Cowper Hutchison, utilise plus de 12 000 gros blocs de glace découpés à même le fleuve Saint-Laurent pour donner forme au château. 

Ces cubes permettent à des artisans de donner vie aux différentes éditions boréales en créant par exemple un lion géant (1885), ainsi qu’un grand labyrinthe (1887) à la place d’Armes ou une grande tour La Condora au Champ-de-Mars (1885). 

D’ailleurs, à l’inauguration de cette tour, les journaux de l’époque parlent de plus de 50 000 personnes qui se seraient déplacées pour assister au spectacle.

Émerveillement, lumière cristalline, musique entraînante, activités variées... on peut dire qu’une semaine par année on s’amuse ferme dans un décor boréal. Pendant la grande fête, le sapinage et les conifères sont partout, ils ornent les patinoires et les glissoires, ils ceinturent le chemin de glace sur le fleuve Saint-Laurent, sorte de pont gelé créé reliant la place Jacques-Cartier à l’île Sainte-Hélène.

Les structures de glace lumineuses, les odorants conifères aux quatre coins de la ville, les raquetteurs aux joues rouges avec leurs belles tuques de laine et les cristaux de neige qui habillent Montréal de son beau manteau blanc donnent une personnalité unique au Carnaval d’hiver de Montréal. 

Sans trop que l’on s’en rende compte, il a contribué, à sa façon, à tisser une identité nordique à la ville, à la province et aussi au jeune pays qu’était le Canada, un pays qui se cherche encore une identité en cette fin du 19e siècle.

ÉPIDÉMIE

Malheureusement, le populaire Carnaval d’hiver de Montréal aura une bien courte existence. 

Après cinq éditions entre 1883 et 1889, marqué par quelques épreuves, comme l’annulation de l’édition de 1886 à cause d’une épidémie de petite vérole, et plombé par les dettes, le carnaval cessera ses activités après l’édition de 1889.

Si la compétition entre les différents clubs et les discordes entre les francophones et les anglophones pimentent la fête, les tensions croissantes entre certains commerçants, qui se font bien souvent tordre un bras pour souscrire au financement, précipiteront aussi la fin des festivités hivernales.

QUÉBEC, LA VRAIE FÊTE

On a tenté à quelques reprises de faire revivre cette fête nordique, mais ce n’est qu’à la deuxième moitié du 20e siècle que l’on a pu voir une vraie grande fête hivernale autour d’un palais de glace renaître de façon permanente. 

C’est à Québec qu’une immense forteresse de glace habitée cette fois-ci par un sympathique bonhomme, une reine et des duchesses invite les gens à festoyer en plein hiver.

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