Requiem pour un quartier abandonné
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La triste nouvelle de la fermeture en juin du mythique magasin de musique Archambault, logé depuis une éternité au coin de Berri et Sainte-Catherine Est, n’a malheureusement rien de très surprenant.
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Elle enfonce même un des derniers clous dans le cercueil d’un large quadrilatère du quartier montréalais du Centre-Sud, négligé depuis de longues années par les autorités publiques, tous niveaux confondus.
Pour le savoir, il faut y vivre ou habiter tout près. Malgré même la présence adjacente de la magnifique Grande bibliothèque et de l’UQAM, une des deux seules universités montréalaises de langue française, les parages autour d’Archambault font pitié à voir. Une véritable honte.
Dans son communiqué de presse, le Groupe Archambault a tenté de le dire en termes plus diplomatiques : « Une analyse interne approfondie a révélé que l’évolution du tissu urbain dans le secteur de la place Émilie-Gamelin, conjuguée à l’évolution des habitudes des consommateurs, ne permet plus de rentabiliser l’exploitation commerciale du Archambault Berri, en dépit d’investissements importants réalisés au cours des dernières années. »
La réalité est en effet que dans ce coin de la métropole, l’environnement est tout simplement insalubre. En été, il empeste carrément. Rien pour attirer les clients montréalais et encore moins les touristes.
Les problèmes sociaux y sont nombreux et complexes. C’est sûr. Dans ce qui fut jadis l’extension du Quartier latin de Montréal, il est néanmoins évident que la forte concentration de personnes itinérantes en détresse que la Ville a laissée se créer tout autour du parc Émilie-Gamelin y est pour beaucoup.
Ne pas blâmer les personnes itinérantes
Cette même concentration, sans être accompagnée de suffisamment de soutien des services sociaux, s’est accrue durant la pandémie. Des résidents du quartier ont eu beau sonner l’alarme, le problème ne fait que s’aggraver.
Résultat : cette section importante du Centre-Sud prend des airs de ghetto social dans lequel on a concentré une partie majeure de la population itinérante croissante de Montréal. Non pas à Outremont, il va sans dire...
Il ne s’agit surtout pas de blâmer les personnes itinérantes puisque si elles existent, c’est parce que nos sociétés riches les ont laissées pour compte. Le vrai problème est qu’au lieu d’adopter une approche globale et panmontréalaise de la situation, on y « parque » loin des quartiers mieux nantis de nombreuses personnes itinérantes, dont plusieurs ont aussi de graves problèmes non soignés de santé mentale.
Les écarts de richesse se creusent
En cela – ajoutons maintenant la fermeture annoncée du mythique bar Saint-Sulpice du Quartier latin –, la fermeture d’Archambault n’est que le dernier symptôme en date de la négligence de longue date de ce quartier par les autorités politiques et les services sociaux.
La vie de quartier en souffre terriblement. L’UQAM et sa population étudiante, aussi. Comment attirer de nouvelles inscriptions dans un quartier aussi délabré ? Ce qui, soit dit en passant, est loin d’être le cas pour Concordia, l’Université de Montréal et McGill.
Sur la même rue Berri, au nord du magasin Archambault, en face d’un terminus d’autobus lugubre, l’immense Îlot voyageur, ce restant gênant d’un scandale financier jamais résolu, gît aussi placardé depuis des années.
La décrépitude de ce quartier central est également révélatrice d’une ville où les laissés pour compte se multiplient et les écarts de richesse et de qualité de vie se creusent de plus en plus.
D’autres symptômes, il faut bien le dire, sont une crise effarante du logement, la multiplication de l’offre de services privés en santé et la persistance, ici et ailleurs au Québec, d’un système d’éducation à trois vitesses...