Une rupture amoureuse au bureau peut-elle être un accident de travail?
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Saviez-vous que, selon certains sondages, plus de 25 % des employés entretiennent ou ont déjà entretenu une relation amoureuse avec un(e) collègue? Bien sûr, il arrive parfois que la relation amoureuse ne se termine pas comme prévu.
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Qu’arrive-t-il si l’un(e) des employés(es) est victime de harcèlement «amoureux» dans ce contexte et développe une dépression nerveuse? Est-ce alors un accident de travail?
À plusieurs reprises, les tribunaux ont déterminé divers critères permettant alors de décider si l’on est en présence d’un «accident survenu à l’occasion du travail». Ces critères sont les suivants et nécessitent tous une connexité avec le travail :
- le lieu et le moment où survient le harcèlement : est-ce uniquement au bureau ou à la fois au bureau et à l’extérieur de celui-ci?
- l’existence d’un lien de subordination entre le supposé harceleur et sa victime: s’agit-il par exemple d’une relation d’autorité entre un supérieur et un subordonné?
- la finalité des activités exercées dans le cadre du travail par les employés(es) concernés(es): se limitent-ils à des échanges professionnels «normaux» ou ceux-ci abordent-ils des sujets personnels non désirés?
Il est parfois difficile de départager ce qui est relié au travail ou à la vie personnelle, particulièrement après l’accélération du télétravail.
Dans un cas récent, par exemple, une relation amoureuse s’était terminée par une dépression nerveuse pour l’une des deux personnes concernées.
Plusieurs facteurs s’opposaient alors: d’une part, la victime prétendue du harcèlement avait été opérée pour des raisons personnelles, opération suivie de complications qui l’avaient fortement fragilisée. D’autre part, elle avait dû subir à diverses reprises des tentatives de rapprochement non sollicitées du collègue éconduit.
Le tribunal, saisi d’une demande d’indemnisation faite auprès de la CNESST, a estimé que «le caractère subjectif et souvent multifactoriel d’un trouble psychologique impose la démonstration d’un lien de causalité prépondérant avec l’événement allégué pour être reconnu comme lésion professionnelle», c’est-à-dire un «accident de travail».
En pareil cas, les tribunaux exigeront généralement la démonstration au moyen d’une expertise médicale d’une relation claire entre les circonstances entourant la dépression et le harcèlement lui-même.
Dans ce cas-ci particulier, on a ainsi refusé d’accepter la dépression comme étant un accident de travail, puisque :
- il n’y avait pas eu d’abus de pouvoir d’une rupture amoureuse sans lien particulier avec le travail.
- la cause déterminante du trouble psychologique découlait plutôt de facteurs personnels à la victime.
Conclusion
Chaque cas est particulier en ce qui concerne une réclamation auprès de la CNESST pour une dépression découlant d’une relation amoureuse survenant au bureau.
Ainsi, si cette dépression découle principalement d’une relation d’autorité abusive, survenant surtout en milieu de travail, on peut croire qu’il s’agira alors d’un accident de travail indemnisable en vertu de la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles.
Me Bernard Cliche, avocat émérite
Morency société d’avocats