Trudeau parie que nous ne ferons que japper
Facal

On s’indigne avec raison de la nomination d’Amira Elghawaby au poste de responsable fédérale de la lutte contre l’islamophobie après ses propos sur les Québécois.
Tout indique que Justin Trudeau la maintiendra en poste.
S’il reculait, il mécontenterait sa base électorale la plus fidèle, cette frange du multiculturalisme pour laquelle Mme Elghawaby n’a fait que dire tout haut ce que tout bon Canadien devrait savoir : que les Québécois sont des islamophobes et des racistes.
- Écoutez Joseph Facal via QUB radio :
Peur
Trudeau fait le pari, qu’il remportera sans doute, que cette tempête passera rapidement.
Il sait que nombre de Québécois avalent tout.
Les uns minimiseront et passeront l’éponge, les autres prêcheront le réveil dans le désert.
Un documentaire sur la vie de Jacques Parizeau, intitulé Jacques Parizeau et son pays imaginé, est présentement en salle.
Le testament que Jacques Parizeau a légué à son peuple après avoir échoué à faire naître le pays du Québec tient en trois mots : n’ayez pas peur.
Il avait compris : la peur, voilà le fond de l’affaire.
Pourquoi sont-ils si nombreux à insulter à répétition les Québécois francophones?
Parce qu’ils savent qu’il n’y a pas de prix à payer.
Pourquoi n’y a-t-il pas de prix à payer?
Parce qu’ils sont aussi très nombreux les Québécois tétanisés par la peur, paralysés par la soumission, comme les fidèles qui baisaient jadis la bague de l’évêque (dixit un lecteur).
La peur de voler de leurs propres ailes, de s’affranchir, d’assumer leur liberté politique et leurs responsabilités.
Évidemment, cette peur a changé de visage avec le temps.
Richard Martineau me demandait quels films québécois étaient les plus révélateurs de ce que nous sommes.
Pour lui, c’était Le Confort et l’Indifférence (1981), dont le titre dit tout.
J’ai répondu Les Ordres (1974) et Elvis Gratton (1981).
Les Ordres relate les destins croisés de quatre individus arrêtés pendant la crise d’Octobre de 1970.
À l’époque, les instruments de la peur étaient l’armée canadienne dans les rues et la police arrêtant des innocents dans leurs domiciles.
Aujourd’hui, la peur se déguise en gros bon sens, en «ouverture au monde», en calcul comptable simpliste : hey, nous recevons de la péréquation, on serait fous d’y renoncer!
L’argent achète notre soumission, notre à-plat-ventrisme, notre infinie capacité à nous raconter des histoires pour fuir nos responsabilités et nous mépriser nous-mêmes.
Elvis Gratton, lui, incarne le colonisé fier de son ignorance, qui aime l’étaler, qui admire ceux qui le méprisent, qui ne réalise pas que ses maîtres rient de lui quand il a le dos tourné, quand ils ne lui rient pas en pleine face... en attendant qu’il se mette, avec eux, à rire de lui-même.
Valets
Aimé Césaire ouvre son Discours sur le colonialisme (1950) par ces mots célèbres :
«Je parle de millions d’hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d’infériorité, le tremblement, l’agenouillement, le désespoir, le larbinisme.»
Son propos, finalement, n’a pas tant vieilli. J’ajouterais l’oubli et l’ignorance de l’Histoire.