Froid extrême à Montréal: aucun mendiant dans le Village
Notre chroniqueur est allé voir comment le froid extrême affecte les mendiants et les itinérants
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À l’intérieur de Montréal, le journaliste Louis-Philippe Messier se déplace surtout à la course, son bureau dans son sac à dos, à l’affût de sujets et de gens fascinants. Il parle à tout le monde et s’intéresse à tous les milieux dans cette chronique urbaine.
Pendant l’heure du dîner vendredi, il n’y avait aucun mendiant en activité, rue Sainte-Catherine, dans tout le Village. Évidemment, puisqu’il faisait terriblement froid. Cela dit, de mémoire de Montréalais, je n’ai jamais constaté une absence complète de mendicité sur ce tronçon.
Le grand froid lui-même (ressenti de moins 41) et la rareté des donateurs potentiels sur les trottoirs ont temporairement arrêté le phénomène normalement endémique de la mendicité.
Une tournée des sorties de la station Berri-UQAM les plus utilisées comme haltes-chaleur de fortune m’a permis de constater qu’elles étaient désertes, trop froides.
L’édicule Berri, que j’ai vu jeudi soir occupé par une douzaine de gens, était déserté. Il y faisait moins de zéro, à en juger par le contenu glacé d’une tasse à café abandonnée sur le sol.
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Où sont-ils ?
J’imaginais donc trouver plusieurs «réfugiés climatiques» plus bas dans le métro où la température est plus confortable, mais... pas vraiment.
«On n’a presque pas vu d’itinérants, aujourd’hui... on se demande où ils sont!» s’exclame un concierge de la station.
Ses collègues corroborent : ils n’ont jamais vu aussi peu de sans-abris dans les couloirs.
Ce premier froid extrême survient trois jours à peine après la réception des prestations d’assistance sociale.
«Plusieurs en ont sans doute profité pour se payer une chambre», suppose Marie-Pier Therrien, la directrice des communications de la Mission Old Brewery qui, vendredi, fonctionnait à son niveau normal.
«La centaine de places d’urgence ajoutées par la Ville a sûrement aidé, mais la demande chez nous n’a pas été aussi forte qu’on aurait pu le redouter.»
Elle me fait visiter le Café Mission où une trentaine de gens dans le besoin mangent des sandwichs, font sécher leurs vêtements mouillés ou, c’est le cas de plusieurs, piquent une sieste, la tête posée sur la table.
Normalement, ce café ferme quelques heures par jour, le temps de faire le ménage. «Mais là, il n’est pas question de refouler les gens dehors par cette température, alors on l’opère 24 h/24 h», dit Mme Therrien.
Piler sur son orgueil
Le café est achalandé, mais pas tellement plus que d’habitude, me fait remarquer Benoît, qui a la chance d’avoir un lit à la Mission Old Brewery.
«Il fait tellement froid que les gars ont pilé sur leur orgueil et demandé à des chums de les héberger... c’est pour ça que tu les vois pas dehors ou pas ici!», me dit ce vétéran de l’Irak, originaire de Québec, qui est à Montréal depuis deux ans et demi.
«Près du fleuve à Québec, on avait parfois des froids intenses comme ça, mais c’est la première fois que je vis ça à Montréal.»