Fermeture de Medicago: difficile de trouver un repreneur, affirme l'un des fondateurs de la pharmaceutique
Coup d'oeil sur cet article
Québec et Ottawa ont tous deux affirmé hier qu’ils allaient chercher un repreneur pour Medicago, mais la tâche ne sera pas facile, estime l’un des fondateurs de l’entreprise.
• À lire aussi: «On n’a rien vu venir»: la fermeture de Medicago provoque une onde de choc chez les travailleurs
• À lire aussi: Fermeture de Medicago: «La pire nouvelle économique à Québec depuis longtemps», réagit Villeneuve
• À lire aussi: Fermeture de Medicago: la Chambre de commerce «rassurée» par les gouvernements
• À lire aussi: Biopharmaceutique: la fin pour Medicago au Canada
« Est-ce que c’est un bon timing pour que des grosses entreprises pharmaceutiques fassent ce move-là ? Je dirais que le timing n’est pas bon, mais le timing n’a jamais été très bon dans les dernières années, alors peut-être que ce sera une occasion », a confié hier au Journal Louis-Philippe Vézina, qui a lancé Medicago avec François Arcand en 1997.
M. Vézina a rappelé que la décision de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), en mars 2022, de rejeter le vaccin anti-COVID de Medicago, « ç’a été un peu le coup de grâce » pour l’entreprise.
L’usine de Medicago située à Raleigh, en Caroline du Nord, avait déjà été convertie pour la production de ce vaccin.
La transformer à nouveau pour reprendre la fabrication de vaccins antigrippaux nécessiterait de nouveaux investissements.
Dans les circonstances, le propriétaire de Medicago, le géant japonais Mitsubishi Chemical Group, pourrait préférer conserver les brevets de Medicago.
« C’est très possible, mais ce qu’ils ne pourront pas ramener, c’est l’usine, a noté Louis-Philippe Vézina. [...] Ça me surprendrait beaucoup qu’ils décident de repartir à zéro au Japon sur la base de cette technologie-là parce qu’on parle quand même de quelque chose qui leur prendrait de trois à quatre ans à mettre en place. Mais ce n’est pas impossible. »
Mitsubishi cache son jeu
Dans un courriel envoyé au Journal hier, le porte-parole de Mitsubishi, Osamu Shimizu, n’a pas confirmé que l’entreprise cherchait un repreneur pour Medicago. « La vente ou le transfert des actifs est actuellement à l’étude », a-t-il simplement déclaré.
Quant à la construction de l’usine de Québec, en cours depuis 2015, elle sera « arrêtée », a précisé M. Shimizu, avant d’ajouter que la vente du bâtiment sera « envisagée ».
M. Vézina craint que le travail effectué par les chercheurs de Medicago depuis plus de 25 ans ne sombre dans l’oubli.
« Medicago demeure quant à moi le plus grand pas que le Québec ait fait vers une certaine autonomie dans le développement et la fabrication de vaccins », a-t-il soutenu.
« Tout ce qu’on peut faire en ce moment, j’imagine, c’est que les gouvernements et des industriels québécois s’assoient avec Mitsubishi pour essayer de faire en sorte que la richesse développée dans ce projet-là ne disparaisse pas complètement », a-t-il poursuivi.
« Quand une entreprise appartient à des intérêts étrangers, eh bien, là, on s’en rend compte : quand ils décident de fermer boutique, on n’a pas voix au chapitre. Il n’y a pas grand-chose qu’on puisse faire. »
L’entreprise que Louis-Philippe Vézina dirige actuellement, Angany, pourrait être intéressée à racheter les brevets de Medicago avec l’aide de partenaires financiers. Sinon, l’entrepreneur offre sa collaboration aux décideurs publics pour trouver une solution.
Au moins sauver l’usine
Selon lui, il faudrait à tout le moins éviter que l’usine de Québec, à moitié terminée, ne perde sa vocation pharmaceutique.
« Une unité de cette dimension-là avec des salles blanches qui permettent de faire des préparations pharmaceutiques, il n’y en a pas beaucoup au Québec. Ça serait triste de la perdre et de perdre l’expertise qui y est associée. »
M. Vézina s’est par ailleurs désolé que la présence de Philip Morris dans l’actionnariat de Medicago ait poussé l’OMS à refuser son vaccin.
Sans le cigarettier, « Medicago n’aurait pas survécu », a-t-il dit. Le hic, c’est qu’entre Philip Morris et l’OMS, il y a « une relation tendue qui a toujours existé ».
– Avec la collaboration de Martin Jolicoeur
Un porte-parole du ministre de l’Économie, Pierre Fitzgibbon, a assuré que Medicago allait rembourser le prêt gouvernemental de 60 millions $ accordé en 2015, mais Mitsubishi n’a pas voulu le confirmer hier.
La saga Medicago en quelques dates
1997
■ R&D dans les laboratoires de l’Université Laval et d’Agriculture Canada.
1999
■ Constitution de la société Medicago.
2003
■ Québec consent un prêt de 15,3 millions $ à Medicago.
2006
■ Medicago réalise son premier appel public à l’épargne et fait son entrée à la Bourse de croissance TSX.
2011
■ Medicago crée Medicago USA et construit une usine en Caroline du Nord.
2013
■ Mitsubishi Tanabe Pharma achète Medicago pour 357 M$. L’entreprise est privatisée.
2015
■ Québec accorde un prêt de 74,5 M$ à Mitsubishi pour la construction d’une nouvelle usine à Québec.
2020
■ Québec accorde une subvention de 7 M$ à Medicago pour le développement d’un vaccin contre la COVID-19.
2020
■ Ottawa accorde un financement de 173 M$ à Medicago pour la production de 76 M de doses de vaccin contre la COVID-19.
Février 2022
■ Santé Canada approuve le vaccin Covifenz.
Mars 2022
■ L’Organisation mondiale de la santé rejette le vaccin de Medicago.
Septembre 2022
■ Le cigarettier Philip Morris vend sa participation de 21 % dans Medicago.
Février 2023
■ Medicago ferme ses portes. Des centaines de travailleurs perdent leur emploi.