Leur enfant trisomique abandonné par le système scolaire
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Les parents d’un garçon trisomique de la Montérégie qui ne va plus à l’école depuis deux mois se sentent délaissés par le système scolaire québécois.
«Ça fait deux mois qu’on frappe à toutes les portes pour trouver de l’aide, mais il n’y a pas de résultats. Notre fils a le droit d’aller à l’école comme n’importe quel autre enfant», plaide Amina Djilani Kobibi.
Le 21 décembre dernier, Amina et son mari ont appris que leur fils Abdelkader, 11 ans, ne pourrait pas réintégrer l’école primaire Marc-André Fortier après le congé des Fêtes, soi-disant parce qu’il se montrait agressif avec le personnel enseignant.
«Ils ne nous ont pas donné plus d’explications. Ce n’était pas vraiment grave, parce que j’étais d’accord que la place de mon fils n’était plus dans cet établissement. Mais ils auraient dû le référer à une école spécialisée où les besoins de mon fils seraient compris», déplore la mère de famille.
Un cauchemar
Quand la famille a décidé de s’installer à Châteauguay il y a deux ans, les parents d’Abdel ont considéré toutes les options d’écoles pour leur fils. Ils se sont finalement arrêtés sur l’école primaire Marc-André Fortier, qui comportait une classe spécialisée.
«Presque chaque jour, l’école nous appelait entre 10h et 13h pour qu’on vienne chercher notre fils. Ils nous disaient jamais quel était le problème, juste qu’on devait venir le chercher. Et c’est ce qu’on faisait», explique la maman d’Abdelkader, aussi appelé «Abdel».
Selon le personnel de l’école, Abdel se serait montré agressif à plusieurs reprises avec les enseignants, utilisant la violence verbale et parfois physique.
«Abdel ne frappe pas volontairement, mais il a la tête dure. On ne peut pas lui enlever ses jouets et le tirer par le bras, parce qu’il va se défendre et entrer en crise. Il ne veut pas faire de mal», explique Amina Djilani Kobibi.
«Un enfant trisomique, ça a besoin de stabilité. Dans sa classe, l’enseignante et les éducatrices changeaient tout le temps. Une fois que le lien de confiance avec une personne est établi, Abdel est très attaché et c’est réglé. Abdel, s’il fait une crise, tu lui fais un câlin et il se calme tout de suite», ajoute-t-elle.
Manque de transparence
Le 8 décembre, Abdel a été suspendu pour une période de 10 jours. Quatre jours plus tard, ses parents ont été convoqués à une rencontre virtuelle par la direction.
«La psychologue de l’école nous a demandé notre autorisation pour observer Abdel. Mais comment peut-elle l’observer s’il est à la maison? On s’est demandé pourquoi ça n’avait pas été fait avant, lors de ses épisodes de crise, par exemple», se questionne le père d’Abdel, Belkacem Djilani Kobibi.
C’est au terme de la suspension de leur fils, soit deux jours avant Noël, que les parents d’Abdel ont été informés que l’école refusait de le reprendre.
«L’école aurait pu nous prévenir avant pour qu’on ait le temps de faire des démarches avec d’autres écoles. Là, personne n’allait pouvoir nous répondre pendant le congé des Fêtes», fait remarquer Amina Djilani Kobibi.
La surprise fut d’autant plus grande quand la famille a reçu un bilan d’évolution dévastateur de la psychologue de l’école concernant Abdel. «Si la situation était si pire, pourquoi personne ne nous a rencontrés avant?», déplorent les parents.
«Dans son rapport, la psychologue a fait un portrait noir de notre fils. Elle dit s’être basée sur son dossier, ses rencontres avec le personnel et ses observations en classe. Pourtant, elle n’a demandé d’observer Abdel qu’après sa suspension. Comment a-t-elle pu l’observer en classe? C’est incohérent», souligne le père de famille, qui s’inquiète des répercussions d’un tel bilan sur l’inscription de son fils dans une autre école.
Pas d’amélioration
Après plusieurs compromis échoués, la direction de l’école primaire a référé Abdel à l’école spécialisée Peter Hall, à Saint-Laurent. Enthousiaste, Amina s’est rendue sur place pour rencontrer la directrice.
«Quand je suis rentrée pour visiter, j’ai constaté que c’était des adultes avec une déficience intellectuelle lourde, des cas vraiment difficiles. Je suis sortie en pleurant, parce que ce n’est pas le cas d’Abdel. Ce n’est pas la place de mon fils, même la directrice était d’accord», raconte-t-elle.
Le 25 janvier, à bout de ressources, les parents d’Abdel ont décidé d’aller cogner à toutes les portes afin d’obtenir de l’aide.
«On a vu la direction de l’école primaire et le député de Châteauguay, sans résultat. J’ai aussi contacté une association pour la trisomie 21 qui m’a conseillé. Personne ne me disait ce qui se passait, malgré mes courriels fréquents. J’ai même envoyé une lettre au Protecteur de l’élève, sans succès», déplore Belkacem Djilani Kobibi.
Ils se sont entre autres déplacés au Centre de services scolaire sans rendez-vous, dans l’espoir de rencontrer quelqu’un. «La responsable était occupée, mais elle a accepté de nous rencontrer le lendemain», précise le père.
Lors de cette rencontre, on leur a offert un tuteur privé, qui enseignerait à Abdel une heure par jour à la maison. Une offre que les parents d’Abdel ont refusée, horrifiés.
«On a refusé parce que ça n’arrange personne, ni la famille ni Abdel. Notre fils a besoin de socialiser dans un milieu scolaire. Il ne peut pas rester à la maison tout le temps! Déjà, depuis deux mois, notre fils est de plus en plus stressé, même si on le fait sortir à la piscine, par exemple», expliquent-ils.
Appel à l’aide
Les parents, qui sont de plus en plus inquiets pour leur fils, espèrent aujourd’hui être entendus.
«Notre dernier recours, c’était de parler aux médias. On espère que des gens vont nous entendre et vont pouvoir nous aider. Tout le monde à qui on parle dit que ce qu’on vit, ce n’est pas normal, mais rien n’est fait», dénonce Amina Djilani Kobibi.
«On a aussi pensé manifester devant le ministère de l’Éducation. Pour qu’il entende notre voix. Notre fils a le droit d’aller à l’école comme tout le monde», affirme son mari.