Un athlète paralympique se bat depuis des années pour être reconnu comme survivant
Coup d'oeil sur cet article
OTTAWA | L’athlète paralympique Yves Bourque se bat depuis maintenant plus de trois ans pour que le fédéral reconnaisse qu’il est bel et bien un survivant de la thalidomide et mérite donc compensation.
• À lire aussi: Cette Québécoise est morte en attendant d’être indemnisée par Ottawa
• À lire aussi: Des survivants de la thalidomide abandonnés par Ottawa: Duclos veut que ça bouge
• À lire aussi: Thalidomide: 90 % des victimes rejetées ou laissées sans réponse par Ottawa
• À lire aussi: Thalidomide: l'opposition outrée
« Le ministre dit qu’il a la volonté politique, mais un moment donné les faits sont là : c’est des mois et des mois d’attente, et le dossier n’avance pas. C’est décevant », dit l’athlète qui a représenté le Canada aux Jeux paralympiques de Sotchi et de Pyeongchang.
M. Bourque avait été soulagé en octobre d’entendre le ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos, sermonner publiquement ses fonctionnaires dans le dossier des citoyens malmenés par le Programme canadien de soutien aux survivants de la thalidomide (PCSST), à la suite de publications du Journal.
À ce moment, il se débattait lui-même avec ce programme depuis l’été 2019. Mais trois mois plus tard, les choses traînent toujours.
On lui a de nouveau demandé des examens médicaux au cours des dernières semaines.
« J’ai passé toutes sortes de tests, même auditifs. Il n’y a rien que je n’ai pas fait, indique-t-il. C’est décourageant parce qu’ils veulent toujours avoir quelque chose de supplémentaire. Ils nous mettent constamment des bâtons dans les roues. »
Combat sans fin
À 56 ans, le sportif né sans jambes a l’habitude des rudes batailles. Il s’entraîne six jours par semaine pour vaincre des adversaires qui ont souvent la moitié de son âge sur les sentiers de ski de fond et dans les corridors de canoë-kayak. Mais contre la machine fédérale, M. Bourque commence à douter de voir un jour la ligne d’arrivée.
Rien pour rassurer Jeanne d’Arc Otis, née elle avec une jambe et un bras en moins.
Comme M. Bourque, elle est empêtrée dans le PCSST depuis des années.
D’abord rejetée par un algorithme que la justice a forcé le gouvernement à abandonner, Mme Otis a été réintégrée dans le programme ces dernières semaines, seulement après qu’elle eut lancé un cri du cœur dans Le Journal.
Comité confidentiel
Mais on lui demande maintenant de fournir de nouveaux documents à un « comité multidisciplinaire d’experts médicaux et juridiques ». La requête lui a été transmise par la poste la semaine dernière et exige une réponse dans les 45 jours.
« Compte tenu des délais qu’il y a dans les hôpitaux pour faire des examens, 45 jours, ça n’a pas d’allure. Surtout que c’est eux qui m’ont fait attendre tout ce temps. Eux autres, ils ont des médecins sur ce comité-là, donc pourquoi ils ne nous font pas venir pour nous examiner tout simplement ? » demande Mme Otis.
En octobre, le ministre Duclos indiquait justement au Journal que « les contacts doivent être entre des humains ».
Mais M. Bourque, qui se frotte depuis des mois au fameux comité multidisciplinaire d’experts, n’en a rencontré aucun. Leurs noms et qualifications ne sont même pas publics.
« C’est un comité confidentiel qui décide de notre sort. On ne peut rien vérifier », déplore-t-il.
Six décennies de vies brisées
1956 | Mise en marché de la thalidomide en Allemagne de l’Ouest. La pilule, répliquée ensuite en générique sous d’autres noms, sera rapidement distribuée aux femmes enceintes pour combattre les nausées de grossesses.
1961 | Mise en marché officielle au Canada.
1961 | Retirée en Allemagne de l’Ouest et au Royaume-Uni.
1962 | Retirée du marché canadien.
1963 | Le Canada s’engage à dédommager les victimes.