Justin Trudeau serait-il en train de perdre son autorité sur ses troupes?
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Au sein même du caucus et du Conseil des ministres de Justin Trudeau, des dissensions très publiques se multiplient. Certains y voient même le début de la fin pour le premier ministre du Canada. Pas si vite...
Il est vrai que des ministres québécois séniors, dont Pablo Rodriguez, ont critiqué ouvertement la nomination d’Amira Elghawaby au poste de représentante spéciale du Canada chargée de la lutte contre l’islamophobie.
Rebelote dans le dossier du projet de loi visant à revamper la loi fédérale sur les langues officielles. Trois députés libéraux montréalais – Marc Garneau, Anthony Housefather et Emmanuella Lambropoulos – exigent de leur propre gouvernement qu’il y retire toute mention de la Charte de la langue française.
Mme Lambropoulos prétend même que la loi 96 du gouvernement Legault prive les Anglo-Québécois du droit d’être soignés en anglais alors que c’est archifaux.
Le tout a même valu au triumvirat d’être accusé par Francis Drouin, leur collègue député libéral et Franco-Ontarien, de se livrer à « un show de boucane honteux ». Ouch...
Après huit ans au pouvoir, Justin Trudeau serait-il en train de perdre son autorité morale sur ses troupes ? Réponse courte : peut-être bien que oui, mais peut-être bien que non...
Survivre ou non aux dissensions
Primo, il est fort possible que les dissensions du trio montréalais fassent l’affaire de M. Trudeau. Non seulement étaient-elles prévisibles, elles lui permettent aussi de conforter son électorat anglo-québécois fâché de le voir avaliser la thèse du déclin du français.
Deuxio, rares sont les chefs de partis, tous paliers et partis confondus, à ne pas vivre de pénibles épisodes de lavage interne de linge sale exportés bruyamment sur la place publique.
Il arrive parfois que ces durs moments signalent la fin imminente d’un régime et de son chef, mais il arrive aussi que leur impact soit négligeable. Au fédéral et au provincial, les deux cas de figure sont possibles.
Voici quelques exemples variés en politique québécoise de dissensions internes nettement plus spectaculaires encore.
1984 : Horripilés par le « beau risque » fédéraliste proposé par René Lévesque, plusieurs de ses ministres séniors, dont Jacques Parizeau, claquent la porte. Ce qui, dans ce cas-ci, sonnera la fin de l’ère Lévesque.
1988-1989 : En réponse à un jugement de la Cour suprême invalidant l’affichage commercial en français seulement, Robert Bourassa invoque la clause dérogatoire. En colère, trois de ses ministres anglophones – Clifford Lincoln, Richard French et Herbert Marx – démissionnent avec fracas.
S’ensuit même la création du Equality Party/Parti égalité. Or, malgré ce tsunami politique, en septembre 1989, M. Bourassa raflera un deuxième mandat et près de 50 % des voix.
Seul le temps le dira
2011 : Opposés au projet d’amphithéâtre à Québec appuyé par Pauline Marois, alors cheffe de l’opposition officielle, trois de ses meilleurs députés démissionnent : Lisette Lapointe, Pierre Curzi et Louise Beaudoin.
Le lendemain, dénonçant la mise en veilleuse de l’option souverainiste par Mme Marois, son député Jean-Martin Aussant, vu par plusieurs comme l’héritier politique de Jacques Parizeau, quitte le caucus à son tour.
Dans ce cas-ci, cette tempête n’empêchera pas Mme Marois de remporter le pouvoir en 2012. Son mandat sera toutefois minoritaire.
Comme quoi les dissensions internes, même publiques, finissent par passer. Parfois, elles sonnent la fin d’un règne. Parfois, elles ne sont qu’un accident de parcours. Seul le temps dira ce qu’il en sera vraiment pour Justin Trudeau.