Artiste iranienne: œuvres voilées
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Si les débats aux États-Unis sont depuis quelques années très polarisés et que nous sommes souvent enclins à étiqueter ceux et celles qui ne pensent pas comme nous, une décision récente du Collège Macalester de St. Paul, au Minnesota, exige un peu plus de perspective.
Taravat Talepasand: à bas les tabous
L’artiste irano-américaine Taravat Talepasand se décrit sur son site comme une activiste qui s’intéresse tout particulièrement aux questions de genre et d’autorité politique.
Alors qu’elle est professeure depuis 1999, plus récemment à l’Université Portland State, son art lui a valu notoriété et reconnaissance. Sa feuille de route est éloquente et elle a multiplié les expositions dans plusieurs grandes villes américaines.
Le style de l’artiste et la mission qu’elle se donne ne laissent que bien peu de gens indifférents. Elle choque, elle provoque, et certains qualifient son art de subversif. C’est avec ces informations en tête que je me suis intéressé à l’exposition de plusieurs de ses œuvres organisée par le Collège Macalester.
La société évolue et les dirigeants des institutions muséales sont constamment aux prises avec des réactions ou des demandes qu’on peut aisément associer à la censure ou à la culture du bannissement. Le phénomène est perceptible autant à gauche qu'à droite.
Si, tout comme je le souhaite, certains conservateurs de musée maintiennent les expositions, il n’est pas rare qu’on encadre mieux la présentation de certaines expositions ou qu’on réserve à quelques œuvres une présentation plus discrète.
Ces œuvres voilées
S’il revêt parfois un caractère érotique, l’art de Taravat s’articule souvent autour de deux thèmes qu’elle intègre régulièrement dans une même œuvre: l’émancipation de la femme en Iran et la dénonciation du régime.
Qu’elle mette en évidence une femme qui défie les autorités en levant sa robe tout en servant un doigt d’honneur aux autorités, ou qu’elle en représente une autre portant le niqab mais dévoilant des seins volontairement proéminents, on comprend que l’artiste fasse réagir. Peut-être plus dans le contexte des manifestations qui agitent l’Iran depuis plusieurs semaines.
- Écoutez la chronique de Luc Laliberté au micro de Richard Martineau, disponible en balado sur QUB radio :
Ce sont des étudiants musulmans qui ont manifesté leur indignation devant le contenu de l’exposition. Selon ce que rapportait le New York Times lundi, ils considéraient certaines œuvres comme caricaturales.
Après avoir écouté ces étudiants, le Collège a maintenu l’exposition, mais a également décidé, ironiquement, de voiler les fenêtres permettant de voir l’intérieur de la salle où sont présentées les œuvres. On a ensuite rédigé de petits avertissements à l’intention des visiteurs.
Nos voisins américains ont déjà été plus audacieux sur le plan artistique, la CIA allant jusqu’à financer secrètement la promotion d’artistes contestataires et marginaux1, mais je crois que l’attitude du Collège Macalester dans le contexte actuel est sage.
Si la référence au voile est particulièrement maladroite, on a été à l’écoute de la communauté musulmane, mais on a en même temps soutenu une artiste qui n’enfreignait en rien les limites de la liberté d’expression.
1. Pendant la Guerre froide, on souhaitait souligner la liberté des artistes américains par rapport aux limites imposées aux artistes de l’URSS. Voir Advancing American Art, de Taylor D. Littleton et Maltby Sykes.