Romans d’ici: devenir mère et en souffrir
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Le détour surprend, mais passer par le Laos est l’occasion de se pencher autrement sur la dépression post-partum.
Pour parler du roman Yu Kam, il faut d’abord s’arrêter à celle qui l’a écrit. Maude Vézina est une spécialiste de santé publique qui a notamment mené des recherches sur la dépression post-partum.
Ses travaux l’ont menée à un long séjour au Laos en 2017, qui a nourri son mémoire de maîtrise. Celui-ci a été publié, mais il lui semblait que l’expérience qu’elle avait vécue ne pouvait se limiter à un texte scientifique. D’où l’idée de la transposer dans un roman, son premier.
Vézina explique sa démarche à la fin de l’ouvrage, ajoutant des explications médicales et des références. Mais il vaut mieux le savoir d’entrée de jeu, car cela explique la teneur pédagogique du récit. Il en fait à la fois la force et la faiblesse.
Le roman s’articule autour de deux trios d’amis. D’un côté, il y a trois jeunes femmes laotiennes — Seng, Mee et Miou — dont deux viennent d’accoucher, et l’une s’en remet difficilement. De l’autre, il y a Tim, journaliste québécois; son ami Antoine, un Français devenu professeur au Laos ; et un collègue de celui-ci, Michel, lui aussi français et psychologue.
Tous ces personnages sont caractérisés par leur générosité et leur bonté, ce qui les rend sympathiques, mais aussi unidimensionnels.
Leur engagement permet toutefois de bien voir le soutien requis quand une mère sombre devant son bébé naissant. La distance fait même mieux observer le processus à l’œuvre.
Pas même un mot
Au Laos, les femmes sont entourées quand elles ont accouché. On y pratique le rituel du lit de feu, le yu kam : pendant des semaines, elles restent au repos et à la chaleur afin de reprendre des forces, servies par leur entourage.
Mais pour Mee, cela n’est pas suffisant pour combattre le mal-être qu’elle ressent. En fait, ni le mot «dépression» ni le concept n’existent au Laos. Il faut donc apprendre à reconnaître un état, à le nommer et à l’accepter. Ces étapes, bien soulignées, sont en fait universelles. D’où la force de la démonstration.
Il est aussi intéressant que Maude Vézina rende les hommes parties prenantes de son récit. «Ça ne devrait pas être une histoire de femmes», comme dit Tim dans le roman.
Son trio masculin apporte donc ses connaissances, notamment parce que Tim reprend les travaux de son épouse laotienne, décédée prématurément, qui s’intéressait à la dépression post-partum. Mais les nouveaux pères sont aussi indispensables auprès de leurs conjointes.
Questionnement pertinent
Il vaut aussi la peine de suivre le cheminement de Seng, la copine trentenaire si dévouée aux autres qu’elle s’est oubliée en chemin. Comment sortir de son cocon dans une société qui n’incite pas à le faire? L’auteure y répond par une romance convenue, mais le questionnement de la jeune femme est pertinent.
Enfin, l’amour que l’auteure porte au Laos agrémente une leçon qui sera particulièrement appréciée par les nouveaux parents.