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Romans d’ici: les leçons de la répétition

Hier pour rien
Photo fournie par L’instant même

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En plein cœur de la pandémie de Covid-19, un homme se met à vivre deux fois chaque journée. Le phénomène l’oblige à observer de plus près le sort humain. Une belle curiosité!

En ce 2 juillet 2020, Daniel Rayé souligne son anniversaire. Il ne le sait pas encore, mais ce sera pour lui le début d’un drôle de phénomène qui durera dix jours.

... Ou plutôt vingt? Car il y aura un 2 juillet bis, et chaque jour suivant sera à son tour répété.

Sans surprise, l’homme en est troublé, d’autant qu’il travaille dans un milieu aussi peuplé qu’imprévisible: un CHSLD de la Rive-Sud. Et c’est le chaos quand, instruit des événements de la veille, il essaie d’en dévier le cours!

Alain Raimbault a modelé le narrateur de son récit Hier pour rien sur la base de sa propre expérience. Lui-même travaille dans une école secondaire publique, mais durant la pandémie, il a participé au programme gouvernemental «JeContribue» afin de donner un coup de main à la collectivité.

Son Daniel Rayé suit le même parcours. C’est pourquoi on le retrouve en CHSLD, c’est aussi pourquoi cet univers est très bien décrit dans le roman : sans sensationnalisme, sans romantisme non plus.

Les immigrants sont nombreux et indispensables; les différentes catégories de personnel ne se mêlent pas ; les résidents ont leurs travers et leur personnalité; et les nouveaux venus tentent de se retrouver dans les codes implicites de ce milieu de vie.

Pas un roman triste

Les séquelles laissées par le strict confinement, dont nous commencions à sortir à l’été 2020, sont aussi bien illustrées.

Mais puisque le narrateur y repasse par deux fois, il comprend davan-tage l’exaspération d’une préposée d’expérience. Ou encore, il arrive à percer les douloureux secrets d’un résident. Il note aussi ce qu’il craint de revivre : le radotage de l’un, le décès d’un autre...

Le roman n’est pas triste pour autant. Daniel Rayé jette un regard tendre et curieux sur les gens qui l’entourent, et finalement sa propre situation l’intrigue plus qu’elle ne l’affole. Il s’en amuse même parfois.

En parallèle, il passe sa drôle de semaine à lire le Don Quichotte de Cervantès, grand roman des chimères. Un beau parallèle de la part de l’auteur tant l’imagination caractérise la structure d’Hier pour rien. «C’est vrai parce que je l’ai écrit», pour reprendre la formule du narrateur.

Celui-ci finira par sortir du cercle vicieux dans lequel il est enfermé et ce sera l’occasion de regarder en face sa propre réalité.

C’est justement ce regard qui fait le sel de ce récit singulier: quels souvenirs on garde et quelles histoires on s’invente pour passer à travers le quotidien. Fréquenter un CHSLD rend ce questionnement encore plus prégnant.

Et puis replonger dans la pandémie permet de constater à quel point on a vite tourné la page sur les pires moments des consignes sanitaires. C’était hier, mais ça nous semble désormais bien loin. Le rappel est bienvenu.

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