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Mourir au Québec dans l’indignité



Depuis des années que notre système de santé est brisé. Tout le monde le sait. Croulant sous une hyper centralisation débilitante et du personnel épuisé, il est aussi en voie de perdre son âme, son humanité, son cœur.

Et ça, c’est ce qu’il y a de plus grave.

Pendant ce temps, les Québécois qui finissent par être bien soignés se comptent chanceux.

D’autres prennent leur mal en patience. D’autres, mieux nantis, se ruent à grands frais au privé-privé. Le tout, à 52 milliards $ de fonds publics par année...

Or, personne ne se bat dans les autobus sur le sujet, comme on dit. Pas de manifs non plus.

Même pas en 2020 alors qu’en pleine pandémie, des milliers d’aînés fragiles mouraient seuls en CHSLD dans des conditions atroces sous le regard éloigné des méga-CIUSSS.

Serions-nous donc redevenus un peuple docile ? Des voix commencent néanmoins à s’élever. Celles de familles dont un parent abandonné dans un corridor d’urgence ou ailleurs dans le réseau y fut aussi laissé à mourir dans la plus injustifiable des indignités.

Dans les médias, elles sonnent l’alarme. Les entend-on seulement ? Au cours des derniers mois, les récits de fins de vie abominables se multiplient pourtant.

Des patients en grande souffrance à qui on a refusé des soins palliatifs dignes de ce nom ou même une chambre propre pour une intimité minimale. Des patients et des familles insultés par du personnel. Etc.

Canari dans la mine

Des cas isolés ou la pointe de l’iceberg ? Dans notre société vieillissante, disons plutôt le canari dans la mine.

Une de ces voix est celle de Michelle Bourassa. En début d’année, elle a raconté l’infamie des derniers jours de vie de sa mère, Andrée Simard, dans un hôpital montréalais.

Mme Simard était aussi la veuve de l’ex-premier ministre Robert Bourassa, le vrai père de l’assurance maladie au Québec. Femme discrète de tempérament, Mme Simard n’avait donné à l’hôpital que son nom de fille pour ne pas avoir de traitement de faveur.

Résultat : selon sa fille, le personnel médical lui aurait refusé des soins palliatifs et l’aurait laissée dans d’horribles souffrances pendant trois jours.

Dans son témoignage crève-cœur paru dans La Presse, Michelle Bourassa raconte aussi avoir été insultée par du personnel lorsqu’elle demandait qu’on soulage sa mère et lui donne une chambre seule. Laquelle, accordée in extremis le dernier jour de sa vie, était insalubre.

Depuis le témoignage de Michelle Bourassa, d’autres familles partagent sur les médias sociaux des récits similaires de morts indignes dans divers hôpitaux.

Champion de l’aide à mourir

Le Journal rapportait hier la mort abominable de Mme Gilberte Gosselin, 86 ans. Morte à Lévis dans le corridor de l’urgence d’un hôpital.

Insultée même par une préposée, laissée dans ses selles, sans eau ni nourriture.

Sa fille et sa petite-fille, présentes auprès de Mme Gosselin « jusqu’à son dernier souffle », dénoncent ce qu’elles qualifient de « climat toxique » et « totalement inhumain ». Le mot-clé, ici, est « inhumain ».

Dans la Montreal Gazette, le journaliste Aaron Derfel révèle aussi l’existence de plusieurs morts suspectes à l’urgence de l’Hôpital du Lakeshore, dont même un suicide.

En janvier, en ces pages, je sonnais aussi l’alarme sur l’érosion de l’empathie envers les patients provoquée par la crise qui, dans le réseau québécois de santé, dure depuis trop longtemps.

Cette érosion n’est pas encore généralisée, mais elle pourrait le devenir si au sommet du pouvoir politique et syndical, rien n’est fait pour y remédier sur le terrain.

Pendant ce temps, le Québec est devenu le champion des demandes d’aide médicale à mourir. Qui s’en surprend vraiment ?

Cette déshumanisation sourde du réseau et le manque flagrant depuis des années de soins palliatifs à domicile et dans les hôpitaux, n’y sont peut-être pas étranger non plus.







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