La Caisse de dépôt et placement du Québec boude l’Indice Québec 30
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Les 30 grandes entreprises composant l’Indice Québec 30 ne représentent que 5% du gigantesque portefeuille de la Caisse de dépôt et placement du Québec.
C’est vraiment dommage, parce que ces entreprises cotées à la Bourse de Toronto et dont le siège social est au Québec ont dans l’ensemble nettement mieux performé que les portefeuilles d’actions de la Caisse.
Avec ses portefeuilles spécialisés dans les marchés boursiers, la Caisse a rapporté en 2022 une perte de 11,3%.
À titre de comparaison, l’Indice Québec 30 a terminé l’année avec une faible baisse de seulement 1,6%. Ce qui donne un méchant écart de 9,7 points de pourcentage en faveur des sociétés québécoises dont les actions sont négociées à Toronto.
Cela dit...
En me basant sur les «Renseignements additionnels au Rapport annuel 2021», j’ai calculé que la Caisse avait investi environ 21,68 milliards $ dans 27 des 30 entreprises composant l’Indice Québec 30.
Cela représentait en 2021 quelque 5,17% de l’ensemble de l’actif net du portefeuille de la Caisse, lequel actif s’élevait à 419 milliards $.
En prenant pour hypothèse que la Caisse détenait en 2022 les mêmes titres québécois (et le même nombre d’actions de chacun d’entre eux), la valeur serait descendue à 20,35 milliards $, en recul de 6% à comparer à 2021.
Vous remarquerez que la baisse de valeur est supérieure au recul de l’Indice Québec 30, lequel recul est de 4% (avant l’ajout de dividendes de 2,43%).
L’explication? Les gestionnaires de la Caisse ont décidé de miser davantage sur certains titres québécois et d’en sous-pondérer plusieurs autres par rapport au poids respectif de chacun des 30 titres dans l’Indice Québec 30.
Résultat? Sur les 6 titres surpondérés, en tenant pour acquis que la Caisse détenait les mêmes positions qu’en 2021, la Caisse a effectué des gains de 572 millions $ avec Alimentation Couche-Tard, le CN et le Groupe CGI.
Mais, en contrepartie, elle a perdu 2,1 milliards $ avec ses placements dans le Groupe WSP Global, Corporation Nuvei et Lightspeed Commerce.
Avec l’ensemble des 21 autres titres qu’elle a sous-pondérés comparativement à leur poids respectif dans l’Indice Québec 30, la Caisse a réalisé en 2022 un gain de 190 millions $.
Par rapport à l’actif net de la Caisse en 2022, soit 402 milliards $, le poids des titres de l’Indice Québec 30 dans le portefeuille de notre bas de laine dépasse maintenant tout juste la barre des 5%.
Il me semble qu’un petit effort supplémentaire de la part des gestionnaires de portefeuille de la Caisse envers les grandes entreprises de l’Indice Québec 30 serait de mise!
- Écoutez la chronique économique avec Michel Girard, chroniqueur économique au Journal de Montréal et au Journal de Québec au micro de Philippe-Vincent Foisy sur QUB radio :
LA CAISSE VEND DEUX FILIALES DES ÎLES CAÏMANS
Bien qu’elle reste toujours présente dans les paradis fiscaux, la Caisse de dépôt et placement du Québec y a tout de même réduit en 2022 son exposition, notamment dans les îles Caïmans.
La Caisse a vendu deux de ses filiales enregistrées dans les îles Caïmans, soit Apollo Hercules Partners LP, dont elle détenait 97,6% des parts, et KKR-CDP Partners LP, qu’elle contrôlait à hauteur de 90,1%.
Chacun de ces deux «fonds de placement privés» de la Caisse renfermait des placements que la Caisse évaluait dans son rapport annuel de 2021 de «150 à 300 millions de dollars».
J’ai demandé à la Caisse ce qu’il était advenu de ces deux fonds des îles Caïmans: «Les avez-vous vendus, fermés ou regroupés dans une autre filiale?»
Réponse textuelle du porte-parole de la Caisse, Maxime Chagnon, chef des Relations médias mondiales: «En réponse à votre question: nous avons vendu et donc nos expositions ont baissé. Ce sera reflété dans notre Rapport annuel en avril prochain.»
Bravo! Voilà un pas dans la bonne direction.
- Écoutez la chronique économique avec Michel Girard, chroniqueur économique au Journal de Montréal et au Journal de Québec au micro de Philippe-Vincent Foisy sur QUB radio :
Mais c’est pas fini...
Enregistrée dans les îles Caïmans, une autre filiale reste cependant active, soit GMAC ASO Fund. Il s’agit d’un fonds de couverture qui possède des placements pour une valeur allant de «300 à 500 millions $», selon le rapport annuel de 2021. L’établissement principal de GMAC ASO est localisé à Singapour.
Au nombre des autres filiales de la Caisse qui ont continué en 2022 de bénéficier des paradis fiscaux, on retrouve, entre autres, Ein Volant Aircraft Leasing Holdings, qui a été constituée aux Bermudes et dont la valeur des placements joue entre «300 et 500 millions $». Cette filiale est établie en Irlande et la Caisse y possède 90,5% des parts.
Il y a également la coentreprise DP World Caucedo, laquelle a été enregistrée aux îles Vierges. Valeur des placements de cette co-entreprise dont l’établissement principal est en République dominicaine: de 500 millions $ à 1 milliard $. La Caisse possède 45% des parts.
De plus, la Caisse détient 44,9% des parts de FNZ Group Limited (anciennement Kiwi Holdco CayCo Ltd., la société holding du groupe FNZ qui a été constituée aux îles Caïmans). En 2021, la Caisse évaluait à plus de 1,5 milliard $ son placement dans la Kiwi Holdco CayCo.
L’étonnante déclaration de Charles Emond
Au chapitre des entreprises associées qui soulèvent des questions d’éthique fiscale, il y a l’investissement de 2,5 milliards $ US de la Caisse dans DP World Jebel Ali Terminal and Free Zone, localisée en zone franche aux Émirats arabes unis, donc non imposable. La Caisse y détient 21,9% des parts.
Oh surprise! Questionné par mon collègue Francis Halin, le grand patron de la Caisse, Charles Emond, a répondu: «Une zone franche, ce n’est pas la même chose qu’un paradis fiscal. C’est un élément différent que d’avoir un paradis fiscal aux îles Caïmans.»
Pourtant, sur son site web, le port de Jebel Ali y vante son taux d’imposition de 0% sur les revenus des sociétés et de 0% sur les revenus personnels!
Je suis entièrement d’accord avec le commentaire d’Alain Deneault (auteur de Paradis fiscaux: la filière canadienne) à propos de la déclaration du PDG de la Caisse sur son investissement dans le port de Jebel Ali: «On joue sur les mots. C’est une juridiction de complaisance qui permet le dumping fiscal. Lorsque l’instance financière du gouvernement du Québec avalise ce type de politique, elle nuit à un État comme le Québec lui-même», a-t-il dit à mon collègue Halin.
Quoi qu’il en soit, la Caisse devrait sortir complètement des paradis fiscaux. Une institution gouvernementale comme la Caisse doit se montrer exemplaire face aux nombreuses entreprises qui utilisent les paradis fiscaux à des fins d’évitement fiscal.
Point à la ligne.