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Malgré le port du casque, on voit des commotions cérébrales «tous les jours» sur les pentes de ski

La protection n’est pas efficace dans tous les cas et pour tous les types de chutes

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SKI
Photo fournie par Mireille Riopel À l’âge de 83 ans, Patrick Riopel pratiquait toujours son sport préféré. On le voit ici à Mont Tremblant. Il est décédé des suites d’une chute mortelle, même s’il portait un casque,  survenue sur les pentes du Mont Cascades en mars 2020.

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Le risque de traumatisme crânien est bien réel chez les skieurs, même ceux qui portent le casque, surtout lorsque les pistes sont dévalées à grande vitesse, préviennent des médecins et spécialistes.

• À lire aussi: Les urgences débordées par les skieurs blessés

«Les casques sont fabriqués pour protéger en cas de chute normale. Quand on ajoute la vitesse excessive et une hauteur [un saut], ils sont moins efficaces», insiste le Dr Éric Piette, chef d’équipe de traumatologie à l’hôpital Sacré-Cœur, à Montréal. 

«On n’est pas invincible quand on frappe un arbre à 50 km/h. Les probabilités de lésions cérébrales graves sont très grandes», poursuit-il.  

Le Journal révélait lundi qu’en pleine période de la relâche scolaire, les blessures sur les pentes ajoutent une forte pression dans des urgences. Les traumatismes à la tête font partie des raisons pour lesquelles de nombreux skieurs se rendent à l’hôpital.  

«Les commotions cérébrales, on en voit tous les jours pendant la saison de ski», constate le Dr Simon-Pierre Landry, urgentologue à l’Hôpital Laurentien, à Sainte-Agathe-des-Monts. 

  • Écoutez l'entrevue avec Philippe Rivest, coordonnateur à l’Institut National de Secourisme du Québec à l’émission de Philippe-Vincent Foisy via QUB radio : 

Pas obligatoire

Sur les 10 décès survenus sur les pentes du Québec depuis 2016, six skieurs sont morts d’un trauma crânien, indique le Bureau du coroner. De ce nombre, cinq portaient un casque [voir cas, ci-contre].

Bien qu’il ne soit pas obligatoire dans les stations québécoises, le casque demeure populaire sur les pistes. Environ 80 % des adeptes de glisse le portent, selon l’Association des stations de ski du Québec. 

Les jeunes n’ajustent cependant pas toujours leur casque correctement, ou ne le portent pas, constate la Dre Michèle Lucey, chef de l’urgence de l’Hôpital Brome-Missisquoi-Perkins, à Cowansville.

«C’est comme si le casque est lousse, c’est plus fashion», déplore la médecin qui est aussi skieuse. 

«Il faut porter le bon casque et l’ajuster correctement. C’est important pour éviter qu’il ne bouge en cas d’impact», renchérit le Dr Piette.

Protection nécessaire

Le casque est pourtant essentiel sur les pentes, s’entendent les experts. Il réduit de 56 % les risques de blessures sévères et de 30 % les blessures, rappelle l’expert en sécurité sportive Claude Goulet.

«C’est évident que le port du casque est efficace», avance celui qui est aussi vice-doyen à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval et chercheur émérite dans la prévention des blessures.

«C’est grâce au casque qu’ils n’ont qu’une commotion, et pas pire que ça [...] C’est peut-être ça qui fait [...] qu’ils n’ont pas plus de séquelles», termine Dre Lucey.

- Avec la collaboration de Charles Mathieu

Son casque n’a pas pu le protéger 

Un skieur expérimenté de 83 ans a fait une chute mortelle en pleine face, après avoir frappé un monticule de neige qu’il n’avait pas vu.  

«C’est un bête accident, confie Mireille Riopel, dont le père est décédé en 2020. Il est tombé la face la première, il avait tous les os du visage brisés.» 

Le 5 mars 2020, Patrick Riopel faisait une sortie en ski avec sa famille, au Mont Cascades, à Cantley, en Outaouais. Skieur aguerri depuis plus de 50 ans, l’homme avait décidé de faire une descente après le dîner, même s’il était fatigué. Selon sa fille, il s’était trompé de piste et s’était retrouvé dans une zone qu’il ne connaissait pas.  

Saignements abondants

Dans le rapport de coroner, on lit que M. Riopel a fait une fausse manœuvre en sortant de la section damée, dans une zone classée «facile». Lorsqu’il a tenté d’y revenir, ses skis se sont pris dans un monticule de neige, et il est tombé par en avant.  

Après la chute, l’homme de 83 ans saignait «profusément du nez et de la bouche», lit-on dans le document.  

M. Riopel n’a pas perdu conscience après l’impact. En attendant les paramédics, il avait été déplacé et on lui avait retiré son casque malgré des douleurs. L’ambulance est arrivée après 30 minutes.  

Transporté au centre de traumatologie de l’Hôpital de Hull, l’homme avait une fracture complexe à la base du crâne et de la colonne cervicale, selon le rapport du coroner.  

«Il avait assez mal, ça l’a découragé, avoue sa fille, âgée de 56 ans. Il disait : “Laissez-moi partir. À l’âge que j’ai, ça ne vaut pas la peine que je me batte et que je souffre pour ça.”»  

Dans les jours suivants, une pneumonie d’aspiration a dégénéré. Il est finalement décédé le 20 mars.  

Par ailleurs, Mme Riopel assure que son père n’était pas téméraire en ski, et qu’il s’agissait du premier accident de sa vie. Trois ans plus tard, sa fille avoue que des questions sans réponse lui restent en tête.  

Pas d’affiche

«Si le trou ou la bosse étaient si gros que ça, pourquoi personne n’avait mis de pancarte ou de poteau?» demande la femme, qui s’interroge aussi sur le long délai avant l’arrivée des paramédics.  

«Au moins, il est décédé avec les gens qu’il aimait, et dans quelque chose qu’il aimait faire», confie-t-elle.  

Malgré ce drame, Mme Riopel continue de pratiquer le ski, mais en étant plus prudente.  

«Ça m’a sensibilisée, je suis plus consciente que si je suis fatiguée, j’arrête», dit-elle. 

Ils sont décédés de traumas en ski

Maxime Côté Girard

  • Âge : 22 ans
  • Lieu : Mont Lac-Vert
  • Date : 4 janvier 2019

Sans casque, le planchiste expérimenté s’est élancé trop vite sur un saut Big Air sans s’arrêter à l’entrée du parc à neige. Malgré l’interdiction, il a exécuté un saut inversé et dépassé la zone d’atterrissage. La manœuvre lui a été fatale. Des analyses toxicologiques ont décelé la présence d’alcool dans son sang, sous la limite légale. Selon la coroner, «l’absence du port du casque n’a pas amélioré ses chances de survie».


Denis Gosselin

  • Âge : 52 ans
  • Lieu : Sommet Saint-Sauveur
  • Date : 3 janvier 2019  

Skieur expérimenté, l’homme a fait une violente chute après une perte de contrôle. Son casque s’est brisé sous la force de l’impact. Inconscient, il a été transporté d’urgence à l’hôpital. Les examens ont révélé des foyers hémorragiques intracrâniens, de multiples fractures et un pneumothorax. Il n’a démontré aucun signe d’éveil après dix jours d’hospitalisation. Devant un pronostic « xtrêmement sombre», il est décédé 48 h après la fin des soins actifs, soit 15 jours après l’accident.


Karl Hochfellner

  • Âge : 80 ans
  • Lieu : Rouyn-Noranda
  • Date : 13 mars 2016 

Skieur en bonne forme, l’homme a été impliqué dans un accident à haute vélocité avec un autre skieur. Son casque est déformé sous la force de l’impact. Un diagnostic de traumatisme craniocérébral sévère avec hémorragie subcrânienne a été émis. Compte tenu du pronostic sombre et des séquelles importantes, les soins de confort ont été prodigués jusqu’au décès, 72 h après l’accident.  


Sébastien Dupont

  • Âge : 31 ans
  • Lieu : Mont Sainte-Anne
  • Date : 26 février 2021  

Le planchiste a fait une chute maladroite au centre d’une piste. Au moment du transport à l’hôpital, les ambulanciers ont noté une odeur d’alcool. Malgré le port du casque, les examens médicaux ont révélé un traumatisme craniocérébral très sévère. Sa condition a nécessité plusieurs interventions chirurgicales. Il est placé en soins de confort en raison de sa détérioration et un pronostic de rétablissement quasi inexistant. Il est décédé le 29 mai, 3 mois après l’accident. 

*Source : Bureau du coroner

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