Oui à la formation générale au collégial: non à l’enseignement à la carte!
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La Fédération étudiante collégiale du Québec vient de relancer l’idée de remplacer la formation générale (FG), au cégep, par des cours au choix. Au cégep, tous les étudiants ont un noyau commun de cours de littérature, de philosophie, d’anglais et d’éducation physique. Dans les cégeps anglophones, ils ont plutôt des cours au choix. Mais pourquoi le fonds culturel commun de la FG fait-il partie du modèle collégial depuis ses débuts?
D’une part, parce qu’un noyau de cours commun permet aux étudiants de tous les programmes de partager des points de références. Ces concepts, thèmes et problématiques, rendent possible le débat public.
D’autre part, parce que ces cours doivent développer ce que le grand sociologue Guy Rocher appelle la réflexivité, soit la capacité de porter un jugement critique sur des enjeux sociopolitiques.
Les cégeps n’ont pas seulement comme fonction de former des professionnels, mais aussi des citoyens.
Le libre choix
Or, qu’est-ce qui peut être à la fois commun à tous les citoyens, et développer la réflexivité? Les textes classiques qui ont construit notre civilisation. On peut aimer ou non ces classiques. Il s’agit de comprendre les idées qui ont construit notre vie sociale, que ce soit pour les préserver ou pour les critiquer.
Dans le modèle du libre choix, l’étudiant choisit ce qui correspond à ses goûts, donc à des opinions déjà acquises. Par exemple, les cours portant sur le féminisme sont très populaires. Mais comment comprendre l’évolution historique qui a mené à ce courant de pensée?
Et ceux qui ne s’intéressent pas au féminisme, ou pire, qui le rejettent, choisiront simplement d’autres cours. Comment déconstruire le sexisme? Surtout pas en ignorant l’évolution des idées!
L’importation du modèle anglophone des cours au choix, au motif que cette approche est plus populaire, relève du benchmarking. On emprunte à ses concurrents leurs procédés les plus efficaces. On tombe ainsi dans une approche marchande de l’éducation.
Le politicologue français Olivier Roy nous met en garde contre l’enseignement à la carte où chacun choisit ce qui lui plaît. La culture se réduit alors à des segments d’informations détachés de tout contexte. Comme tous les choix se valent, les contenus culturels deviennent interchangeables.
Aujourd’hui, la diversité est populaire. Mais demain, qu’est-ce qui sera au goût du jour? Surtout, comment de futurs citoyens qui n’ont pas de repères culturels communs pourront-ils débattre ensemble?
Former des citoyens et non des consommateurs
La réduction de la culture à un choix de consommation individuel va dans le sens d’une dépolitisation de la société. Le consommateur remplace le citoyen.
Le système d’éducation ne réussira de toute façon jamais à satisfaire le désir de libre-choix comme peut le faire l’internet. Encore faut-il avoir un solide esprit critique pour ne pas s’y perdre et devenir un jouet pour les algorithmes!
Le tronc de cours commun intègre l’étudiant dans une communauté universelle de pensée critique. Cette communauté inclut Descartes, Marx, et Hannah Arendt, Voltaire, Anne Hébert et Simone de Beauvoir, et bien d’autres encore. L’étudiant choisira parmi eux qui seront ses meilleurs alliés, et qui seront ses adversaires. Voilà la liberté véritable.
Georges-Rémy Fortin, Collège de Bois-de-Boulogne
Aïcha Van Dun, Cégep de L’Assomption
Jean-François Gignac, Collège de Bois-de-Boulogne
Caroline Hébert, Cégep de Sainte-Foy
Frédéric Belzile, Collège Ahuntsic
Marie-Lou Bouchard, Collège de Rosemont
Yannick Lacroix, Collège de Maisonneuve
Jean-François Bergeron, Cégep de Drummondville
Nicolas Bourdon, Collège de Bois-de-Boulogne