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La GRC enquête sur deux présumés «postes de police» chinois au Québec

Les établissements sont situés à Montréal et Brossard

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L’équipe dédiée à la sécurité nationale de la Gendarmerie royale du Canada enquête activement sur deux présumés « postes de police » chinois dirigés par une conseillère municipale de Brossard.

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C’est ce qu’a confirmé le corps policier à notre Bureau d’enquête qui l’a questionnée à propos de ces deux centres qui inquiètent plusieurs observateurs (voir autre texte plus bas).

Le Service à la Famille Chinoise du Grand Montréal, un des établissements faisant l’objet d’une enquête par la Gendarmerie royale du Canada situés au troisième étage de cet immeuble à Montréal.
Photo Martin Alarie
Le Service à la Famille Chinoise du Grand Montréal, un des établissements faisant l’objet d’une enquête par la Gendarmerie royale du Canada situés au troisième étage de cet immeuble à Montréal.

Il s’agit de la première fois que de tels établissements sont potentiellement repérés au Québec. 

Le Service à la Famille Chinoise du Grand Montréal, à Montréal, et le Centre Sino-Québec de la Rive-Sud, à Brossard, sont sous la loupe des enquêteurs de l’Équipe intégrée de la sécurité nationale (EISN) de la GRC. 

Photo Martin Alarie

Très bien implantés dans la diaspora chinoise, ces lieux de services et d’accueil aux immigrants sont tous les deux dirigés par Xixi Li, conseillère municipale à la Ville de Brossard. 

Le second « poste » sous enquête est situé dans un petit centre commercial de Brossard.
Photo Pierre-Paul Poulin
Le second « poste » sous enquête est situé dans un petit centre commercial de Brossard.

La GRC sollicite l’aide de la population pour faire avancer son enquête. 

« On a besoin que la communauté chinoise du Québec collabore avec nous. Il faut briser le mur du silence », a indiqué le porte-parole Charles Poirier. 

Appel à la population 

« On sait pertinemment qu’il y a certaines personnes qui subissent des pressions, qui ont peur pour elles ou pour leur famille. On veut leur tendre la main. Non seulement pour détecter et [poser des actes de] perturbation, mais si on peut aussi prendre des actions de répression, on va le faire », a indiqué le sergent Poirier.  

La question des « postes de police » chinois fait la manchette depuis des mois au pays. L’organisme espagnol de défense des droits civils Safeguard Defenders avait dévoilé l’automne dernier l’existence de ce phénomène à l’échelle mondiale, dont cinq postes qui se trouvaient au Canada. 

La GRC avait ensuite ouvert une enquête sur trois présumées stations dans la région de Toronto et une à Vancouver. 

La conseillère nie tout

Ces établissements sont soupçonnés de mener des « opérations de maintien de l’ordre » en sol canadien, notamment pour convaincre des ressortissants de retourner en Chine pour faire face à la justice. 

Jointe au téléphone hier après-midi, Mme Li a affirmé que les deux centres n’avaient aucun lien avec le Parti communiste qui dirige la Chine. 

« On n’a jamais été une station de police. Qui a inventé cette histoire ? [...] On travaille pour le bien-être de la communauté chinoise, pour aider les gens dans des situations défavorables », a-t-elle déclaré. 

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« Très étroitement liés » au Parti communiste  

Sarah-Maude Lefebvre, Bureau d’enquête

Les présumés « postes de police » chinois au Québec suscitent l’inquiétude depuis déjà un certain temps. 

Le Service à la Famille Chinoise du Grand Montréal et le Centre Sino-Québec de la Rive-Sud étaient tous deux répertoriés comme des centres de services pour les Chinois outre-mer.

L’ONG espagnole Safeguard Defenders craignait déjà, dans un rapport publié en décembre, que ce genre de centre de service soit ou se transforme en « poste de police » chinois. 

« Toutes les preuves montrent qu’ils sont très étroitement liés au département du Travail du Front uni [du Parti communiste chinois] », nous a écrit par courriel la porte-parole Laura Harth. 

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Partenaire avec la Chine

Ces préoccupations sont partagées au Québec, d’autant plus que le Service à la Famille Chinoise du Grand Montréal affiche sur son site web avoir le gouvernement chinois comme « partenaire ». 

« Ça soulève des inquiétudes : est-ce que cette organisation est centrée sur le bien-être des Canadiens ou passe-t-elle des informations à un pays étranger ? » demande Benjamin Fung, coporte-parole de l’organisme Action Free Hong Kong Montreal et professeur à l’Université McGill. 

« Est-ce que c’est correct qu’une organisation très connue et bien implantée au Québec, qui collige des données, ait comme partenaire un gouvernement étranger ? Est-ce que cela soulève des inquiétudes au gouvernement ? » questionne-t-il. 

« En terme général, dès qu’un centre, organisme à but non lucratif ou groupe d’amitié est associé au Parti communiste ou à la République populaire de Chine, ce sont des acteurs à la solde du Parti communiste. Ils n’agissent pas de façon indépendante. Ça n’existe pas », martèle Kayum Masimov, du groupe Uyghur Right Advocacy Project. 

Inquiétudes

Plusieurs experts de la question de l’ingérence étrangère contactés par notre Bureau d’enquête ont aussi soulevé des inquiétudes. 

« Avoir accès à des services d’un gouvernement étranger au Canada n’est pas un risque comme tel. Mais avec le gouvernement chinois, c’est quelque chose qui pourrait être utilisé pour des raisons néfastes, pour obtenir des données [...] ou que ça devienne un point de pression [sur des citoyens] », expose Arthur Wilczynski, ancien haut fonctionnaire en sécurité nationale, notamment au Centre de la sécurité des télécommunications. 


La GRC a mis sur pied une ligne téléphonique dédiée uniquement à cette enquête afin d’amasser le plus d’information possible du public : (514) 939-8301. 

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