Avortement tardif: un hôpital obligé d'appeler la police en raison de militants anti-choix agressifs
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Un hôpital de Montréal a dû appeler la police le mois dernier après avoir reçu plusieurs appels de militants anti-choix, dont certains étaient agressifs, au sujet d’une femme qui était sur le point d’avoir un avortement tardif.
Le 1er février, des informations confidentielles au sujet d’une femme enceinte de 38 semaines sur le point de subir un avortement à l’hôpital du Sacré-Cœur ont coulé sur les réseaux sociaux.
Le groupe anti-choix Campagne Québec-Vie (CQV) a aussi envoyé un courriel à ses membres pour leur demander de « prier » pour que cet avortement n’ait pas lieu, a confirmé le président Georges Buscemi.
En soirée, plusieurs appels ont été reçus à l’hôpital. Selon nos sources, des gens téléphonaient pour connaître le nom de la patiente, d’autres disaient vouloir adopter l’enfant. Certains étaient agressifs. M. Buscemi, lui, dit ne pas être au courant.
- Écoutez l'entrevue avec Sylvie Pedneault, directrice générale de SOS Grossesse à l’émission de Philippe-Vincent Foisy via QUB radio :
L’avortement est légal au Canada jusqu’à la toute fin de la grossesse. Au Québec, une vingtaine de femmes se font avorter au troisième trimestre chaque année, soit après 23 semaines.
Ces histoires sont des drames humains. Toutes sortes de raisons poussent les patientes à faire ce choix (maladies, toxicomanie, violence, pauvreté, etc.).
Le soir du 1er février, le chef de la sécurité de l’hôpital a même appelé le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), selon nos informations. Deux agents se sont présentés à l’établissement, mais le SPVM a refusé de détailler l’intervention.
Appel à l’hôpital...
Dans une vidéo en ligne, une femme du groupe CQV dit avoir appelé à l’hôpital vers 18 h 30, et a réussi à parler à un employé du département d’obstétrique, qui lui a confirmé la procédure à venir.
« Elle m’a dit qu’effectivement c’était triste et que toute l’équipe aussi était triste de la situation, raconte Marie-Josée Rivest. J’étais sûre qu’elle allait mettre fin à l’appel, mais à ma grande surprise, elle ne l’a pas fait. »
Mme Rivest a aussi demandé à l’employé de suggérer à la mère d’opter pour l’adoption, plutôt que l’avortement.
Ce témoignage soulève des questions sur la confidentialité des dossiers médicaux. La direction du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) du Nord-de-l’Île-de-Montréal a refusé de dire si une enquête interne est en cours à ce sujet.
« C’est un bris clair de confidentialité, réagit Me Patrick Ménard Martin, spécialisé en santé. C’est la sécurité même du patient et de l’équipe qui est remise en question. »
Intolérable
« On ne peut pas tolérer ça. Le droit à l’avortement est garanti, tonne le Dr Jean Guimond, qui gère les avortements tardifs à Montréal. C’est aussi simple que ça. »
La procédure médicale a eu lieu le lendemain comme prévu, et s’est déroulée selon les normes. Avant la pandémie, le Québec envoyait les femmes enceintes au troisième trimestre aux États-Unis, puisqu’aucun médecin québécois ne voulait faire ces avortements.
Depuis la fermeture de la frontière américaine en 2020, le service est offert au Québec. À Montréal, quelques hôpitaux procèdent à ces avortements tardifs dans un système de rotation. À Québec, un seul hôpital gère tous les cas de l’est de la province.
– Avec Frédérique Giguère