Émissions toxiques de la Fonderie Horne: colère et inquiétudes à Rouyn-Noranda
Québec demande le déménagement d’un quartier pour protéger ses citoyens de la Fonderie Horne
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La tension est vive à Rouyn-Noranda, dans la foulée de l’annonce du gouvernement qui poussera 200 ménages à quitter leur foyer en raison des émissions toxiques de la Fonderie Horne.
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«On nous disait toujours que ce n’était pas dans les plans. Et là, bang, on apprend par les médias qu’on va être relocalisés», déplore Émilie Leclerc, une résidente du secteur Notre-Dame depuis 18 ans.
Jeudi, le gouvernement du Québec a officiellement dévoilé son plan visant à relocaliser les résidents de 82 bâtiments et l’annonce a eu l’effet d’une bombe dans le quartier le plus touché par les émanations d’arsenic.
«On ne forcera la main de personne», a lancé, en chambre, le ministre responsable de la région Mathieu Lacombe, sans plus de précisions.
Questionnements
Les résidents devront donc partir, mais un flou règne sur les délais qu’ils auront pour le faire.
En point de presse, Andrée Laforest, la ministre des Affaires municipales mentionne que ce processus va débuter lentement et qu’il «va s’échelonner sur deux, trois possiblement cinq ans».
Le gouvernement investira 58 millions $ pour relocaliser les ménages et construire un nouveau quartier. Le taux d’inoccupation des logements est de 0,8 % à Rouyn-Noranda.
«Pour le moment c’est le néant [...] mon plus jeune est assez anxieux. C’est son milieu, son environnement. Il va à l’école ici», explique Mme Leclerc, qui craint de ne pas être en mesure de racheter un duplex aussi confortable.
Une autre résidente se réjouit d’être à l’extérieur de la zone visée, mais elle appréhende les travaux qui s’annoncent encore pour quelques années.
«Noranda, ça fait partie de moi, c’est sûr que je n’ai pas envie de le quitter. Même si on sait que [l’usine] fait des dommages, c’est un choix que je fais de quand même rester dans le coin», affirme Kathleen Savard, une résidente de la rue Carter, située à 300 mètres de la Fonderie Horne.
En colère
Dans la foulée des événements, une cinquantaine de manifestants ont témoigné leur colère en brandissant des affiches où on lisait «Nos vies valent plus que leurs profits» ainsi que «Votre cancer, gracieuseté de la Fonderie Horne».
C’est la multinationale Glencore qui devra acheter et raser les immeubles situés dans le quartier Notre-Dame. L’entreprise devra aussi verdir cette zone tampon, à ses frais. Glencore a fait valoir que l’autorisation gouvernementale était une «compression» en cinq ans du plan de huit ans qu’ils avaient soumis pour réduire leurs émissions d’arsenic. «On ne peut vraiment pas aller plus vite», a dit Marie-Élise Viger, représentante de l’entreprise.
Québec resserre également les obligations de la Fonderie Horne, qui devra atteindre, d’ici cinq ans, une moyenne annuelle de 15 nanogrammes d’arsenic par mètre cube d’air, qui demeure tout de même cinq fois plus élevée que la norme québécoise. Une réduction à ce seuil réduit les risques de cancer du poumon d’environ 45 %, selon l’Institut national de santé publique du Québec.
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La fonderie devra aussi diminuer les émissions de plomb et de cadmium et Québec resserre également ses exigences quant au traitement de ses eaux usées.
LE PLAN DU GOUVERNEMENT
- En plus de réduire ses émissions d’arsenic, la fonderie devra aussi diminuer les émissions de plomb et de cadmium.
- Pour s’assurer que Glencore respecte les exigences de la nouvelle autorisation, le gouvernement mettra sur pied un comité de vigie indépendant.
- Québec versera 16,1 millions $ à la ville de Rouyn-Noranda pour décontaminer des terrains et rendre la ville plus attractive pour les investisseurs.
- Le gouvernement investit 10 millions $ pour créer un observatoire indépendant sur les impacts des émissions de contaminants sur la santé et l’environnement, et 2,6 millions pour surveiller la qualité de l’air aux alentours de la fonderie.
Sa retraite ruinée par l’arsenic
Marie-Ève Duclos n’aurait pas pu plus mal choisir pour investir pour sa retraite.
Il y a six ans, elle a acheté avec son conjoint un immeuble de quatre logements en plein dans la zone tampon, sur la 6e Rue entre la Carter et la fonderie Horne.
«C’est mon revenu de retraite qui va partir en fumée», lance la travailleuse en milieu communautaire, qui ne peut pas compter sur un énorme fonds de pension pour assurer ses vieux jours.
Ce n’est pas la première tuile qui lui tombe sur la tête. En 2020, l’immeuble a été déclaré perte totale à la suite d’un incendie. Il a dû être complètement reconstruit.
Elle n’a aucune idée du genre de compensation qu’elle obtiendra de la compagnie Glencore et craint de ne pas pouvoir maintenir son investissement à long terme.
«J’ai un bloc flambant neuf, qui a deux ans d’existence. Ça a coûté cher à reconstruire avec les assurances. Clairement, avec l’évaluation municipale, je ne vais pas pouvoir maintenir mon investissement à long terme», lâche-t-elle.
Et, surtout, elle s’inquiète pour ses quatre locataires qui risquent d’avoir de la difficulté à trouver un autre toit en pleine crise du logement.
«Ils n’ont pas de voiture et se déplacent à pied. On acceptait qu’ils aient des animaux. Ils vivent beaucoup d’anxiété», dit-elle.
-Anouk Lebel