L’anglais, un «must» dans les universités francophones
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La maîtrise de la langue de Shakespeare apparaît de plus en plus comme un incontournable à l’université, à la fois en recherche mais aussi en enseignement, alors que plus du quart des ouvrages à lire par les étudiants sont en anglais, selon une rare étude qui dresse le portrait de la place du français en enseignement supérieur au Québec.
Cette recherche, dont les résultats seront dévoilés jeudi lors d’un colloque à Montréal, a été réalisée par le Laboratoire interdisciplinaire de recherche en enseignement supérieur (LIRES) grâce à un financement de la Centrale des syndicats du Québec.
Elle s’appuie notamment sur une enquête à laquelle ont participé 820 professeurs et chercheurs dans les cégeps et universités francophones de la province.
Selon les répondants, plus du quart (27%) des ouvrages obligatoires dans les plans de cours à l’université sont en anglais, une proportion qui grimpe à 45% pour les ouvrages recommandés.
«C’est un des grands enjeux», lance Olivier Bégin-Caouette, co-auteur de l’étude et professeur adjoint à l’Université de Montréal, en entrevue avec Le Journal.
- Écoutez l'entrevue avec Nicolas Bertrand, professeur de philosophie au collège Montmorency à l’émission de Richard Martineau via QUB radio :
Pas d’autre choix
Ce dernier ne lance pas la pierre aux professeurs, qui doivent composer avec «un accroissement et une prépondérance de l’anglais» dans les publications scientifiques.
Plusieurs ont mentionné dans le cadre de cette étude être incapables de faire une plus grande place au français sans affecter la qualité de leur cours, notamment dans les domaines des sciences naturelles et du génie.
«Dans certains domaines, les profs nous disent qu’ils n’ont pas le choix d’opter pour des textes en anglais s’ils veulent faire lire à leurs étudiants ce qu’il y a de plus à jour», explique M. Bégin-Caouette.
Cette réalité créé une «iniquité» entre les étudiants, selon leur niveau de maîtrise de la langue de Shakespeare.
Puisque l’anglais n’est pas une condition d’admission dans les universités francophones, «on risque d’affecter la réussite» de ceux qui ne sont pas à l’aise en anglais, ajoute le chercheur.
«Ce sont des questions importantes qu’il faut se poser collectivement. Il faut réfléchir à comment on va aider les professeurs à l’université», dit-il.
De manière générale, les politiques linguistiques des universités favorisent le recours au matériel didactique en français, mais le professeur demeure libre de choisir les ouvrages selon la qualité du contenu, peu importe la langue.
Pour remédier à la situation, l’équipe du LIRES suggère aux instances gouvernementales d’investir davantage dans la traduction de textes scientifiques en français et de mettre en place des mécanismes pour favoriser l’accès au contenu scientifique déjà disponible dans la langue de Molière.
Malgré la prépondérance de l’anglais dans les publications scientifiques, des chercheurs publient en français des ouvrages, des articles dans des revues professionnelles ou des rapports de recherche qui sont parfois difficiles d’accès, souligne le professeur de l’UdM.
«Il y a une science en français qui existe, mais on ne la voit pas. Il faut se demander comment faire pour qu’elle soit plus visible», dit-il.
Parmi les chercheurs interrogés, la moitié considère qu’il est important de publier en français, alors que près de 80% affirment qu’il est aussi important de publier en anglais, principalement pour rejoindre un plus grand auditoire avec la même expertise et pour gagner en crédibilité à l’échelle internationale.