Ingérence chinoise: le lanceur d’alerte brise le silence
Coup d'oeil sur cet article
Après les soupçons, c’est maintenant officiel: les nombreuses fuites au Globe and Mail concernant l’ingérence chinoise dans les affaires canadiennes sont le fait d’un employé du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS).
• À lire aussi: Ingérence étrangère: Trudeau défend le maire de Vancouver, cible de soupçons
• À lire aussi: Rapporteur spécial : Poilievre et Blanchet dénoncent la nomination d’un «proche»
• À lire aussi: Ingérence étrangère: David Johnston sera nommé rapporteur spécial
Conscient d’avoir brisé la loi, le lanceur d’alerte explique ses motivations sous le couvert de l’anonymat dans un texte publié par le quotidien torontois vendredi après-midi.
L’employé annonce en préambule que sa loyauté réside non pas dans un «parti ou personne, mais dans son pays, ses institutions démocratiques et ses concitoyens canadiens».
Inquiets de l’«importance» que représentait la menace de l’ingérence étrangère, le lanceur d’alerte et ses collègues du SCRS ont travaillé pour «équiper nos dirigeants avec les connaissances et les outils requis pour y faire face».
«Les mois ont passé, puis les années. La menace est devenue de plus en plus pressante, mais aucune action sérieuse n’a été entreprise», poursuit-il.
«Je me suis efforcé, seul et avec d’autres, de faire part de mes préoccupations concernant cette menace directement à ceux qui étaient en mesure de demander des comptes à nos hauts fonctionnaires. Malheureusement, ces personnes n’ont pas été en mesure de le faire.»
- Écoutez la chronique politique avec Thomas Mulcair, ancien chef du NPD et analyste politique au micro de Richard Martineau sur QUB radio :
Un libéral
Cependant, le fonctionnaire, qui se dit électeur libéral à plus d’une reprise, ne croit pas que l’ingérence ait «dicté la composition du gouvernement fédéral» .
«Néanmoins, l’impact croissant de l’ingérence étrangère sur notre capacité à jouir d’un processus politique libre et équitable est indéniable», ajuste-t-il.
Quant à lui, Justin Trudeau s’est porté à la défense du maire de Vancouver, Ken Sim, plus tôt dans la journée de vendredi.
Selon des révélations du Globe and Mail, l’élu municipal aurait obtenu un coup de pouce de la consule chinoise locale aux dernières élections municipales.
Le quotidien rapporte avoir consulté un rapport des services de renseignement canadiens, provenant du lanceur d’alerte, détaillant les efforts de la consule Tong Xiaoling «pour inciter tous les électeurs éligibles à se rendre aux urnes et à élire un candidat sino-canadien» et pro-Pékin en octobre 2022, contre le maire sortant, Kennedy Stewart. Les prises de position pro-Taiwan de ce dernier n’auraient pas plu au régime chinois.
Salissage
«Salir la réputation du maire de Vancouver, salir l’intégrité de nos institutions, c’est un chemin très dangereux à prendre à une époque où les démocraties sont assez précaires autour du monde», a déclaré M. Trudeau lors d’un point de presse à Guelph, en Ontario, vendredi.
Selon M. Trudeau, les révélations du quotidien seraient «non vérifiées» et «avec des sources incertaines».
- 21 décembre: le Globe and Mail révèle que le premier ministre Justin Trudeau a reçu un breffage de sécurité nationale à l'automne dans lequel on l'informait que le consulat chinois de Toronto a ciblé 11 candidats - 9 libéraux et 2 conservateurs - durant la campagne de 2019.
- 17 février: le Globe and Mail, sur la base de documents du Service canadien de renseignement de sécurité (SCRS), indique que la Chine est intervenue dans la campagne de 2021. L’objectif était d'assurer l'élection d'un gouvernement libéral minoritaire et de défaire des députés conservateurs jugés hostiles à Pékin.
- 18 février: sur la base de documents du SCRS, le Globe and Mail explique comment la Chine protège un réseau de Canadiens alliés de Pékin dont elle dépend pour construire des relations, influencer et obtenir des informations de députés et de sénateurs. On indique que les diplomates chinois ont été avertis début 2022 de se faire discrets en raison des enquêtes du SCRS.
- 20 février: d'autres documents du SCRS dévoilent la stratégie d'influence de Pékin via les cyberattaques, les pots-de-vin, et la séduction sexuelle.
- 28 février: le Globe révèle que le SCRS a capté en 2014 une conversation entre le millionnaire chinois Zhang Bin et un attaché commercial d'un consulat chinois lui demandant de verser de 1M $ à la Fondation Trudeau.
- 13 mars : sur la base d’informations du SCRS, le Globe and Mail révèle que la Chine redirige ses étudiants vers les Canada pour étudier dans le secteur des technologies de pointe depuis que les États-Unis leur refusent des visas de crainte qu’ils ne participent à des opérations d’espionnage industriel et scientifique.
- 16 mars: des informations du SCRS obtenues par le Globe and Mail montrent que le consulat chinois a interféré dans les élections municipales à Vancouver en 2022 afin de faire élire le premier maire sino-canadien de l'histoire de la ville.
-Avec Anne-Caroline Desplanques