Langue française: laissez-moi me défouler un peu...
Coup d'oeil sur cet article
De grâce, laissez-moi me défouler encore une fois sur les malheurs endémiques de la langue française au Québec.
• À lire aussi: Le français au Québec, une espèce en voie de disparition aux yeux du gouvernement
• À lire aussi: Monsieur Legault, où s’en va le Québec?
Ainsi donc, on a appris il y a quelques semaines que les professeurs de français de cégep n’ont aucune intention d’enseigner la grammaire. Ils ne veulent plus reprendre les étudiants qui s’expriment en truffant leur langue d’erreurs de vocabulaire, qui usent des mots à contresens, qui peinent à articuler leur pensée et qui – c’est la mode – truffent leur langue de mots d’anglais trendy, comme on entend dans la publicité gouvernementale censée nous amuser.
Je comprends que les profs de français expérimentés qui enseignent au cégep aient des réticences à enseigner le b.a.-ba de la grammaire à de jeunes adultes qui, hélas, ont été trahis par les pédagogues de pointe du passé. On sait que de génération en génération, certains pédagogues ont privé les enfants de niveau primaire et secondaire du droit fondamental d’apprendre leur langue maternelle selon les règles de l’art et non à la suite d’une quelconque révolution.
L’on devrait dénoncer ces iconoclastes supposément à la pointe de la pédagogie. Ils ont conçu des programmes d’enseignement de la langue qui victimisent depuis des décennies les jeunes devenus des handicapés verbaux.
- Écoutez la chronique de Denise Bombardier au micro de Richard Martineau sur QUB radio :
Cataclysme
Ce n’est pas catastrophique, c’est cataclysmique. Le Frère Untel avait dénoncé le joual, cette déformation systémique du français normatif à la fin des années 1950. «Quand on parle joual, on pense joual», a écrit Jean-Paul Desbiens que sa communauté de frères a exilé en Suisse après qu’il eut vendu 150 000 exemplaires de son pamphlet, Les Insolences du Frère Untel.
Or Michel Tremblay, l’un de nos grands écrivains, s’est approprié le joual en le magnifiant. Mais il ne pense pas en joual. Il s’exprime personnellement dans une langue épurée, car c’est fin lettré.
Les jeunes d’aujourd’hui sont orphelins du français à cause du délire de supposés spécialistes, qui ont mis la hache dans la vieille méthode qui consistait à imposer aux enfants du primaire la dictée quotidienne.
C’est ainsi que des générations de jeunes avaient appris à lire et à écrire le français à peu près sans faute, non sans effort et non sans se sentir parfois inadéquates, mais dont elles ont bénéficié pleinement plus tard.
Mes propres tantes qui n’avaient fréquenté l’école que cinq ou six ans étaient fières d’elles. Elles aimaient lire à haute voix souvent pour indiquer qu’elles n’étaient pas des ignorantes malgré la pauvreté dans laquelle elles avaient été élevées.
- Ne manquez pas la chronique de Denise Bombardier au micro de Richard Martineau sur QUB radio :
Notre héritage
La langue nous est transmise en héritage. Comment pouvons-nous tolérer encore la piètre qualité de ce qui est enseigné aujourd’hui par l’école?
Ce n’est pas l’enfant qui s’enseigne et qui doit décider de l’usage qu’il fait de la langue française. Cette langue est exigeante, difficile. Les Québécois francophones noyés dans une Amérique du Nord anglophone ne doivent pas soumettre le français à leurs caprices personnels. «J’parle comme je veux parler» est une remarque idiote.
«C’est une langue belle avec des mots superbes», chante Yves Duteil. C’est une langue qui nous grandit, nous enchante et nous émeut. C’est pour cela qu’elle se fait désirer en imposant ses exigences.
On peut l’insulter, l’abandonner, mais le prix à payer sera élevé. Car nous y perdrons la mémoire de ce que nous sommes devenus. Personnellement et collectivement.